LES DIX BOUGIES DU TONTONNAT AIDANT,

l'année qui s'achève aurait dû consacrer l'entrée de Tonton dans l'Histoire. C'est raté ! Au bout du compte, elle l'aura tout au plus fait figurer au « Livre des records », dans la catégorie longévité.

Pourtant, tout avait démarré tambour battant, à la guerre comme à l’« état de guerre », avec nos tontonnants « soldats du droit » dans le Golfe. Entre deux Scud et trois commentaires télévisés de nos redoutables généraux à la retraite, la cote tontonienne volait alors nettement plus haut que nos vieux Jaguar sous la mitraille.

Las !, il appert que les gloires des sables sont aussi éphémères qu'un ministre de la guerre qui ne veut pas la faire. Les faits d'armes du général Tonton n'ont guère profité à ses troupes socialistes, pas plus que leurs affaires n'ont arrangé les siennes. Onze mois et demi plus tard, les caracolades des sondages de guerre sont loin, et la tontonolâtrie a bien du plomb dans l'aile.

Le temps et les affaires ne sont pas les seules raisons de cette désaffection. A ces causes il faut ajouter les effets manqués. L'« effet Cresson », bien sûr, qui, après quelques écarts de langage prometteurs, aura vite fait long feu en montrant sa vacuité beaucoup plus vite qu'escompté. Mais aussi les effets décevants des prestations de Tonton sur un terrain où il s'était un peu vite taillé une réputation d'infaillibilité : celui de la politique étrangère.

La fameuse « lettre de M. lanaev » a causé de sérieux dommages à l'aura historique de celui qui l'exhiba fièrement au soir du putsch manqué contre Gorby. Mauvaise information, sans doute, mais ce contretemps médiatico-diplomatique aura surtout montré que le vent de l'Histoire commence à souffler un peu trop vite et trop fort pour celui qui entendait s'en gonfler le décennat. Il ne cesse depuis, de Maastricht à la flamme olympique, d'essayer de la rattraper. En vain jusque-là.

Mais, à sa décharge, il faut reconnaître que l'Histoire, à l'exception d'une « historique » Coupe Davis, s'arrête peu chez nous et que, sauf en Yougoslavie où elle opère de sanglants retours en arrière, elle va très vite pour tout le monde. Pour les adversaires de Tonton comme pour ses homologues, dont certains, pour ne parler que de Gorby, sont nettement plus dans l'embarras que lui. (…)

Erik Emptaz - L'année Canard N°42  - décembre 1991 -