TÉMOINS DU GRAND MARIAGE BLANC

VOILA neuf mois, au lendemain du 16 mars, Tonton 1er, roi de Mitterrandie, qui venait de perdre la bataille des législatives, et Jacquou 1er, roi de Chiraquie, qui venait de la gagner, décidèrent, pour le salut de la France, de se marier sous le régime de la Cohabitation réduite aux aguets. Il s'agissait, bien entendu, d'un mariage blanc (dont le futur code de li nationalité ne veut plus, d'ailleurs), chaque conjoint ayant juré solennellement qu'il ne chercherait pas à baiser l'autre.

Neuf mois de cohabitation le temps d'une grossesse qui ne peut être que nerveuse. En tout cas, une gestation passablement douloureuse, dont nul ne peut encore dire si elle ne va pas déboucher sur une IVG, remboursée ou non par la Sécu.

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Vous retrouverez souvent, au fil des pages, les duettistes Pasqua-Pandraud, ministres de l'Intérieur, et Albin Chalandon, garde des Sceaux, qui sont les gros piliers du Temple du Libéralisme Réfléchi et Pragmatique (l'autre pilier, Léotard, ayant plutôt fait figure de colonne Morris, voire de colonne Buren) que Jacquou 1er a voulu édifier pour la célébration du culte de la Plate-Forme RPR-UDF, devenue la « Très plate forme ». Les manifestations libérales des trois piliers : la loi sur les contrôles d'identité Pourquoi les policiers ne pourraient-ils demander les papiers dans la rue alors que les caissières des grandes surfaces le font couramment ? ») ; le projet de loi sur le code de la nationalité, dont Chalandon lui-même dit, en privé, qu'il est exécrable ; la privatisation des prisons et de TF1, les expulsions d'étrangers par la procédure d'urgence et par paquets de cent, menottés, dans des charters, quand il s'agit de Maliens, etc. En apothéose, l'intervention des Pelotons de voltigeurs motocyclistes » (PVM) dans les manifestations d'étudiants, qui a abouti à la mort du jeune Malik Oussekine. Laquelle a provoqué d'incroyables fissures (la démission du ministre Devaquet, le retrait de sa loi, par Chirac, et la dégonflade du ministregaragiste Monory sur sa propre loi lycéenne) dans le Temple du libéralisme, menacé d'écroulement.

Quant à la cohabitation, si un million de jeunes n'ont pas voulu cohabiter avec Monory et Pasqua, il y en a d'autres : Barre, bien sûr, qui professe depuis le début qu'il est contre ; Giscard, qui cultive ses relations avec Tonton, considéré par Chalandon (encore lui) comme l'Opposant numéro un » ; lequel Chalandon, ministre de la cohabitation, n'a pas hésité à dire que la cohabitation est perverse » et que le couple du mariage blanc tire à hue et à dia pernicieusement », voilà qui promet de beaux jours au moment où s'ouvre la campagne présidentielle. (…)

Gabriel Macé - Les dossiers du Canard N°22  - décembre 1986 -