La revue toute en noir

(Revue express de l'année 1960), par René Buzelin

Depuis que l'Afrique s'agite,
Le "noir" étant très bien porté,
C'est en noir que tout nous invite
A traiter l’actualité

An noir ! L’an dix-neuf cent soixante
Le fut plus qu’un autre d’ailleurs,
Car, à chaque fait qu’il présente,
Peut s’assortir cette couleur

Ça commença – premier déboire –
Par une grève à la Télé :
Quand ses écrans sont blanc de lait,
C’est signe d’une purée noire.

Puis, ce fut, nous rendant l’espoir,
Du blanc « nouveau franc » la naissance
Las ! Le gouffre de nos finances
N’en resta pas moins aussi noir.

Puis, en chaine (de bicyclette)
Affluèrent les « blousons noirs »
Lesquels, toujours sur la sellette,
Semblent braver tous les pouvoirs.

Ensuite, entrée, en pleine gloire ,
Du fameux bébé de Bardot
Qui fut, pour l’ombrageux Clouzot,
Le début d’une série noire.

Autre fait également noir :
Départ de Pinay, le front triste,
Bien qu’il ait dit aux journalistes :
« Non pas adieu, mais au revoir ! »

Émeutes d’Alger…Sombre histoire !
Lagaillarde, Ortiz et leur clan
Forment un semblant de Main Noire
Qui, finalement, fit chou blanc.

Tableaux noirs encore…en peinture :
Les « oiseaux » de Bernard Buffet,
Vrais oiseaux de mauvais augure
Et d’un non moins sinistre effet.

Puis, Monsieur K arrive en France :
Devant Debré, en habit noir,
Il dit : « Bravo !...Sans différence,
Je trouve en vous l’amer noir ! »

Suite : le rapt (obscur problème)
D’Eric Peugeot, un certain soir.
Billets de courir…flics de même ;
Mais on est toujours dans le noir.

Mariage, avec son photographe,
De Margot, en grand apparat ;
Ce jour-là, fit-elle une gaffe ?
Chambre noire nous fixera.

A Paris, grande conférence
Au sommet, mais qui devait choir
Dans l’abîme… et l’indifférence,
Et se solda par un « four » noir

(…)
A Rome, les jeux Olympiques ;
Où l’on vit nos champions déchoir ;
Aussi, rares ceux qui se piquent
D’avoir mis, là-bas, dans le noir.

A la « liberté de la presse »,
Atteintes de nos dirigeants,
Qui rêvent, de façon… expresse,
De transformer le noir en « blancs »

Puis, gloire à la « force de frappe » :
« Pour nous faire, à tout prix, valoir,
Point ne faut qu’elle nous échappe,
Tant l’horizon a… de points noirs ! »

Sur quoi le nommé Terrenoire
Prétend frapper nos chansonniers
Et mettre sur sa liste noire,
Même les plus blancs des Meunier.

Tentative, ensuite, notoire,
De suicide de la B.B.,
Victime – mais oui ! – d’idées noires.
Sans charrier, c’est La Vérité.

Là-dessus, halte au répertoire !
Et, passant tout le reste au bleu
Qu’on soit de race blanche ou noire,
De la paix faisons tous le vœu.

Puis, joyeux, sans que nos mains tremblent,
Levons le verre en commun
Pour fêter avec plus d’ensemble
Le nouvel an soixante-et-un.

(…)

Source: Dictionnaire CANARD 61, décembre 1960