N° 13 du Canard Enchaîné – 27 Septembre 1916
N° 13 du Canard Enchaîné – 27 Septembre 1916
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Réflexions d’un simple pékin, par Gustave Henervé
Parodie des journalistes de la grande presse, qui écrivent le soir les ragots qu’ils ont ramassés le matin chez le coiffeur ou au bistrot, ce que le lecteur veut lire en somme… – Par dérision vis à vis de Gustave Hervé, directeur de La Victoire, il signe sous le pseudo de Gustave Henervé
Le perroquet mort, dessin de Bour qui illustre la censure : une perruche morte dans sa cage, femme éplorée au premier plan. La légende ? « Un esprit intelligent aurait donné le coup de grâce avec la seule phrase : “jusqu’au bout.” » Entre humour noir et satire du jusqu’au-boutisme, le Canard attaque le langage des bellicistes.
La barbe ! dessin de Lucien Laforge –
ancienne trace d’humidité n’affectant pas la lecture, bien visible sur l’image et présente sur les 4 pages
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
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Réflexions d'un simple pékin, par Gustave Henervé
À la fin septembre 1916, Le Canard enchaîné donne la parole à « Gustave Henervé », pseudonyme facétieux d’Henri Béraud, futur journaliste à la plume redoutée. Avec son article « Réflexions d’un simple Pékin », Béraud déploie un humour féroce pour moquer ces « stratèges de bistrot » qui, loin du front, s’improvisent conseillers militaires du gouvernement.
Le texte s’ouvre sur une énumération railleuse : « neurasthéniques, froussards, Pères-la-panique, vieilles barbes, pacifistes bêlants, constipés et eunuques ». Tous sont mis dans le même sac, celui de ceux qui, après deux ans de guerre, n’ont encore rien compris. Face à eux, Béraud glorifie le « peuple lucide » qui, avec son gros bon sens, a saisi l’essentiel : l’union fait la force, et c’est au front qu’on chasse l’ennemi.
Mais la cible principale n’est pas tant les défaitistes que ces journalistes qui remplissent leurs colonnes de « conseils » et de « critiques » au ton professoral. Béraud décrit avec ironie sa propre méthode : il flâne dans les cafés, s’imprègne des conversations populaires, puis rédige un article en adoptant l’air sentencieux d’un Sarcey de la guerre. Soudain, chacun se rêve stratège, proposant un débarquement au Japon ou une route militaire par Suez. Derrière cette galerie de prétendus experts, c’est la presse d’opinion elle-même que l’auteur ridiculise, prompt à s’emparer des rumeurs de comptoir pour en faire des vérités imprimées.
Le style est alerte, saturé de dialogues imaginaires, d’exagérations et de piques savoureuses. Béraud joue les naïfs pour mieux démontrer l’absurdité d’un discours patriotard qui se nourrit d’air du temps et de bavardages. Dans un encadré final, « Le point de vue du fumiste », il renforce encore la charge en poussant à l’absurde : après tout, si tout le monde a son mot à dire, pourquoi pas les fumistes eux-mêmes ?
Avec ce texte, le jeune Canard confirme sa vocation : faire du rire une arme critique contre la presse installée, dénoncer les faux experts et rappeler que, loin des colonnes péremptoires, la guerre se joue ailleurs — dans la boue de Verdun, pas dans les cafés du boulevard.