N° 27 du Canard Enchaîné – 3 Janvier 1917
N° 27 du Canard Enchaîné – 3 Janvier 1917
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Curieux effet du cinéma
Le 3 janvier 1917, Le Canard enchaîné publie une chronique piquante de Rodolphe Bringer : « Curieux effet du cinéma ». L’auteur y raille les campagnes moralisatrices accusant le septième art d’inciter au crime. Convaincu d’abord que tout cela relève du « bourrage de crâne », il raconte sa propre expérience après avoir vu Le Masque aux dents blanches : en sortant de la séance, il avoue avoir eu… « envie de tuer quelqu’un ». Évidemment, ce n’est qu’une pirouette ironique : le texte se moque des censeurs et démontre par l’absurde le décalage entre fiction et réalité.
L’ex poilu en soirée, dessin de Bour – L’insoumis, dessin de Bécan –
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Avec « Curieux effet du cinéma », paru le 3 janvier 1917, Le Canard enchaîné s’attaque à une nouvelle cible : les contempteurs du cinéma, accusé par certains moralistes d’exercer une influence néfaste sur la jeunesse et même de pousser au crime. À l’époque, la presse conservatrice multiplie les diatribes contre ce divertissement moderne, jugé vulgaire et dangereux.
Rodolphe Bringer adopte une stratégie parodique. Il commence par se moquer des discours alarmistes : comment croire qu’un mélodrame ou une comédie puissent transformer les spectateurs en assassins ? Mais il se ravise aussitôt, racontant son expérience personnelle. Après avoir vu Le Masque aux dents blanches, il avoue en sortant qu’il a ressenti une irrépressible envie de tuer… l’auteur du scénario. Tout est dit : si le cinéma provoque de la violence, c’est uniquement contre la médiocrité des intrigues.
Le récit fonctionne comme une farce enlevée : Bringer décrit avec un sérieux comique son malaise de spectateur, allant jusqu’à imaginer des conséquences absurdes (« me voilà prêt à tuer un lapin »). Mais derrière l’humour se cache une critique de fond : la croisade morale contre le cinéma n’est qu’une variante du bourrage de crâne, un moyen de détourner l’attention des vrais problèmes.
En 1917, le cinéma reste encore perçu comme une distraction populaire, pas encore consacré comme art. En le défendant par le rire, Le Canard participe à la bataille culturelle : face aux censeurs, il oppose la légèreté, le sens commun et le refus d’une morale imposée d’en haut.
Cet article illustre bien la méthode du journal : prendre au pied de la lettre les arguments de ses adversaires, les pousser jusqu’au ridicule, et retourner contre eux leurs propres logiques. Ici, le cinéma sort grandi, les censeurs ridiculisés, et les lecteurs amusés.
Le cinéma en 1917 : entre méfiance et reconnaissance
Un art encore nouveau
En 1917, le cinéma n’a qu’une vingtaine d’années d’existence. Les frères Lumière ont projeté leurs premiers films en 1895, et dès avant la guerre, les salles obscures se sont multipliées. Pourtant, beaucoup considèrent encore le cinéma comme un divertissement mineur, destiné aux foules populaires plus qu’aux élites culturelles.
La méfiance morale
Les autorités et la presse conservatrice soupçonnent le cinéma d’exercer une influence néfaste, en particulier sur la jeunesse. Mélodrames, films policiers ou comédies rocambolesques sont accusés d’inciter au crime, à la débauche, voire de pervertir les mœurs. La censure veille, et des voix réclament des restrictions.
Le cinéma de guerre
Depuis 1914, l’armée a compris l’importance du cinéma comme outil de propagande. Les actualités filmées, projetées avant les séances, montrent des images du front soigneusement encadrées. Elles servent à soutenir le moral de l’arrière et à donner l’illusion d’une maîtrise de la situation.
Un divertissement populaire
Malgré les critiques, le cinéma attire des foules croissantes. Les salles deviennent un refuge face aux privations de la guerre. Pour quelques sous, on peut s’évader dans des histoires plus grandes que nature. Les films à succès, comme Les Deux Gosses ou Le Masque aux dents blanches, marquent l’imaginaire collectif.
Pourquoi le Canard s’en amuse
En 1917, le Canard enchaîné prend fait et cause pour ce loisir moderne, en se moquant des censeurs. L’ironie de Rodolphe Bringer illustre ce décalage : si le cinéma suscite des pulsions violentes, c’est seulement contre la médiocrité de certains scénarios. Le journal anticipe ainsi, par la satire, la reconnaissance du cinéma comme un art à part entière.





