N° 62 du Canard Enchaîné – 5 Septembre 1917
N° 62 du Canard Enchaîné – 5 Septembre 1917
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Contes du Canard: Kromaryas
Sous la plume acérée de Whip, un vieux brahmane de 147 ans, modèle de sagesse et d’ascétisme, se voit appelé à la rescousse d’un royaume miné par la spéculation et la rapacité. Entre parabole exotique et satire bien française, l’histoire de « Kromaryas » dénonce les profiteurs de guerre, les trafiquants de denrées et l’impuissance des gouvernants. Quand la sagesse lasse, reste le sabre pour trancher dans le vif.
Journalistes, dessin de Depaquit – La prison mystérieuse, dessin de Bécan –
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Avec « Kromaryas », Whip joue sur le registre de la fable orientale pour mieux frapper ses contemporains. Le décor semble lointain : une Inde imaginaire, une province heureuse jusqu’à ce que la guerre, la disette et les spéculateurs viennent troubler la paix. Mais derrière l’exotisme et les noms aux sonorités étranges, c’est bien la France de 1917 qui est visée.
Le vieux brahmane, ascète quasi mythologique, incarne la voix de la sagesse immémoriale. On le consulte quand tout échoue : ministres impuissants, prince désemparé, peuple affamé. Et sa première réponse, incompréhensible – « Ca-Kyen-apu blabouffe… » – est un clin d’œil ironique : à quoi servent les oracles quand la réalité crève les yeux ? Les profiteurs de guerre sont identifiés sans détour : épouses de cultivateurs, revendeurs, trafiquants qui font monter les prix du riz, du vin ou des saucissons, au mépris du peuple.
Mais Whip ne se contente pas de moquer : il pousse sa parabole jusqu’au constat brutal. Quand les sermons ne suffisent plus, Kromaryas sort le sabre et tranche dans la chair des spéculateurs. Le message est limpide : la rapacité de l’arrière, plus insupportable encore que les privations du front, appelle une réponse radicale.
Cet article illustre la double fonction du Canard en 1917 : distraire par le dépaysement imaginaire, tout en livrant une critique implacable de la société française en guerre. Les fables orientalisantes de Whip prolongent en fait une tradition satirique bien ancrée : habiller le réel d’un voile littéraire pour mieux en souligner les tares. Et, sous la caresse du conte, le coup de griffe n’en est que plus violent.

 
      



