N° 92 du Canard Enchaîné – 3 Avril 1918
N° 92 du Canard Enchaîné – 3 Avril 1918
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🖋️ « Le Poilu et la Belle Dame », signé Roland Catenoy
Le Canard du 3 avril 1918 met en scène une rencontre tendre et ironique entre un permissionnaire et sa belle amie parisienne. Tandis que le soldat voudrait oublier la guerre, la jeune femme raconte les bombardements de la capitale avec une désinvolture presque mondaine. Dialogue à double tranchant : derrière la légèreté apparente, Roland Catenoy souligne le contraste entre l’épreuve du front et celle de l’arrière, où les gothas et les obus sont devenus un spectacle.
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Sous la plume de Roland Catenoy, alias Roland Dorgelès, Le Canard enchaîné du 3 avril 1918 propose une saynète dialoguée, « Le Poilu et la Belle Dame », qui mêle humour, tendresse et satire sociale. Le dispositif est simple : un soldat en permission retrouve une amie parisienne. Lui, revenu du front, n’aspire qu’à oublier les horreurs vécues. Elle, désireuse de séduire et de briller, ne parle que des bombardements subis par les civils.
Le décalage est au cœur du texte. Le permissionnaire, encore habité par le vacarme des canons, reste discret et mesuré. La « belle dame », en revanche, décrit avec une sorte de coquetterie les détonations, les torpilles, l’effroi des nuits sans lumière. Les mots qu’elle emploie — « curieux », « intéressant », « amusant presque » — traduisent une banalisation du danger. Pour elle, le bombardement devient un sujet de conversation mondain, un frisson partagé dans les salons de la capitale.
Catenoy excelle dans l’art du contraste. Le soldat, qui a vu Craonne et les tranchées, sait que rien n’égale la violence du front. Mais il n’interrompt pas brutalement sa compagne : il se laisse entraîner dans ce jeu, observant avec une sorte de bienveillance ironique cette manière qu’ont les Parisiens de faire de la guerre un spectacle. L’humour naît de ce décalage entre la gravité vécue et la légèreté affichée.
Historiquement, cette scène éclaire une fracture réelle. En 1918, Paris est frappé par des bombardements aériens et par les canons à longue portée (la fameuse « Grosse Bertha »). Les civils découvrent à leur tour l’angoisse des sirènes et des explosions, mais ils n’en vivent pas moins dans un univers encore protégé par rapport aux poilus. Catenoy pointe ce glissement : à l’arrière, on transforme la peur en anecdote, en conversation de salon ; au front, elle reste une question de vie ou de mort.
Le ton n’est pas cruel, mais ironique et tendre. On devine que le poilu sourit malgré lui à cette belle amie qui, en voulant séduire, révèle malgré elle l’abîme entre deux expériences de la guerre. La chute, lorsqu’elle lui propose une « surprise » — l’emmener voir un point de chute rue Machin —, scelle le comique de la situation : à Paris, on transforme le bombardement en attraction.
Ce petit dialogue, sous ses airs légers, témoigne du talent de Dorgelès. Lui qui, en 1919, publiera Les Croix de bois pour dire la vérité des tranchées, livre ici une variation satirique sur la perception de la guerre. À travers le contraste entre la parole de la « belle dame » et le silence indulgent du poilu, Le Canard enchaîné illustre la distance entre l’arrière et le front, entre la conversation et l’expérience. Et fait sourire, sans jamais oublier le poids du réel.

 
      



