N° 103 du Canard Enchaîné – 19 Juin 1918
N° 103 du Canard Enchaîné – 19 Juin 1918
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L’ANGOISSE DU MERCANTI ou le Compte du Tonneau (Manuscrit trouvé dans une musette), par Henri Béraud
Prosper Grivelot, épicier à Bocard-les-Bois (Meuse) fait sa fortune sur le dos des poilus… Feuilleton paru du 12 au 26 Juin 1918 : deuxième partie.
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19 juin 1918, n°103 – « Une fête intime »
Publié une semaine après sa première apparition, « Une fête intime » revient dans l’édition du 19 juin 1918 comme une sorte de reprise ou de prolongement comique. L’ironie est dans le décalage : appeler « fête » ce qui n’est qu’un maigre repas ou une petite beuverie autour de bouteilles clairsemées. Le Canard insiste sur la disproportion entre l’appellation et la réalité : à l’heure des restrictions, la moindre goutte de vin devient objet de célébration.
Le texte met en scène des convives réduits à trinquer avec presque rien, mais qui sauvent l’honneur par l’esprit. Le rire est amer : il souligne l’absurdité d’une guerre qui prive les hommes de tout, sauf du droit de faire semblant de s’amuser. Mais il est aussi libérateur : tourner la misère en comédie, c’est lui ôter un peu de sa cruauté.
Ce retour du même motif prouve combien l’alcool était devenu un marqueur social et politique. Restreint, surveillé, rationné, il restait un symbole de convivialité et de liberté. En multipliant les variations humoristiques sur ce thème, le Canard fait du verre de vin non pas une simple boisson, mais un motif satirique central, capable de cristalliser la critique de l’arrière et des autorités.
Le mercanti dans la culture de guerre (1914-1918)
Qui sont les mercantis ?
Le terme « mercanti » désigne, pendant la Grande Guerre, les petits commerçants ou colporteurs installés près du front, qui profitent des besoins des soldats pour leur vendre vin, nourriture, tabac ou objets divers. Ces transactions sont souvent entachées d’abus : prix exorbitants, produits frelatés, tromperies éhontées.
Une figure honnie
Dans la presse, les mercantis deviennent rapidement des boucs émissaires. On les accuse de s’enrichir sur le dos des poilus, de spéculer sur la souffrance et de trahir l’esprit de solidarité nationale. Leur caricature est celle du vendeur sans scrupules, au sourire avide et aux mains sales, écoulant pinard coupé à l’eau et denrées avariées.
Les mercantis et les femmes
À cette figure masculine s’ajoute son pendant féminin : cabaretières ou débitantes de vin, parfois assimilées à des « ribaudes ». Dans l’imaginaire satirique, elles cumulent cupidité et séduction équivoque, transformant leur commerce en double exploitation des soldats : économique et sexuelle.
Un enjeu social et moral
Au-delà des clichés, la présence des mercantis révèle un problème réel : l’armée n’était pas toujours capable d’assurer un ravitaillement suffisant, et ces commerces remplissaient une fonction parallèle. Mais la critique des mercantis exprime aussi une angoisse morale : comment préserver le patriotisme et la dignité dans un contexte où la guerre alimente trafics et compromissions ?
Pourquoi le Canard s’en empare
Le Canard enchaîné met en scène cette figure honnie pour en tirer un effet satirique. Le mercanti et sa complice deviennent des personnages grotesques, symboles de l’arrière indigne. Cette dénonciation, à la fois drôle et cruelle, permet au journal de se poser en défenseur des poilus, contre ceux qui les exploitent jusque dans les villages proches du front.