N° 108 du Canard Enchaîné – 24 Juillet 1918
N° 108 du Canard Enchaîné – 24 Juillet 1918
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BASSE-COUR, dessin de Lucien Laforge
« Petite histoire bien parisienne »
Un conte urbain, tiré du Petit Journal, est recyclé par le Canard pour mieux ridiculiser le sentimentalisme de ses confrères. La scène : une Parisienne, en descendant au métro, perd son talon et trouve secours grâce à un soldat américain. L’épisode, traité comme un mélo patriotique, est détourné avec une ironie cruelle. Une façon d’exposer le ridicule du pathos guerrier en pleine capitale.
Dialectique
Au milieu des fleurs du Carrousel, rouges et jaunes comme un drapeau ibérique planté par hasard dans Paris, Whip s’amuse à démonter la pseudo-« neutralité » espagnole. Avec son ironie coutumière, il transforme une simple dispute de passager en satire diplomatique. Quand les plates-bandes se couvrent de politique, même les pétunias prennent parti.
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L’article « Dialectique », signé Whip, occupe la une du Canard enchaîné du 24 juillet 1918. Il illustre à merveille la manière dont l’hebdomadaire satirique parvient, en pleine guerre, à transformer une anecdote apparemment anodine en charge contre l’hypocrisie des nations neutres et les ridicules du discours public.
Whip, pseudonyme du dessinateur et chroniqueur Géo Friley, s’empare ici d’une scène quotidienne : un trajet en autobus, à l’heure grave de midi moins une, moment qu’il qualifie ironiquement d’« auguste et solennel ». La banalité du décor – un véhicule cahotant, des passagers qui s’ennuient ou ronchonnent – devient le théâtre d’une joute verbale sur… des fleurs. L’un des voyageurs critique les massifs plantés devant le Louvre : trop criards, trop voyants, pas assez « neutres ». La discussion dégénère aussitôt en débat pseudo-esthétique où s’invite la politique internationale. Car les fleurs rouges et jaunes, souligne Whip, ne sont autres que les couleurs de l’Espagne.
À partir de là, l’auteur déploie sa verve : le choix horticole devient prétexte à rappeler la neutralité espagnole, maintenue depuis quatre ans, et à en dénoncer les ambiguïtés. L’Espagne, officiellement en dehors du conflit, n’en subit pas moins les pressions diplomatiques et économiques des deux camps. Or, en pleine guerre totale, la neutralité apparaît souvent suspecte, voire provocatrice. Quoi de plus efficace, pour Le Canard, que d’illustrer cette position inconfortable par le rouge et le jaune éclatants de parterres fleuris qui « hurlent » au milieu du gris parisien ?
Sous la plume de Whip, la satire fonctionne par décalage : l’argument horticole se fait diplomatique, le goût devient affaire de politique étrangère. On retrouve là l’une des armes favorites du journal : l’analogie burlesque, qui fait résonner la grande histoire dans les détails du quotidien. Comme souvent, la chronique se clôt sur une pirouette : l’auteur se tait, se replie sur son ticket d’autobus plié en forme de fleur, préférant tourner en dérision le sérieux pontifiant de son interlocuteur.
Ce texte montre aussi combien Le Canard enchaîné savait exploiter la plume de ses collaborateurs pour brouiller les frontières entre chronique urbaine, humour potache et satire politique. Whip s’y illustre avec un humour pince-sans-rire qui fait mouche : dans le Paris de 1918, même les massifs du Louvre deviennent l’occasion de railler les faux-semblants diplomatiques.





