N° 115 du Canard Enchaîné – 11 Septembre 1918
N° 115 du Canard Enchaîné – 11 Septembre 1918
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L’EFFORT DE L’ARRIÈRE, constitution de la C.P.C.O.N.P.A. de Henri Béraud
Un ordre national pour récompenser les policiers amateurs, un ruban disputé entre Daudet, Mistinguett et l’abbé Cochin, et des discours enfiévrés sur les coups de pieds reçus dans le métro… Dans son pastiche endiablé, Henri Béraud imagine la fondation du C.P.C.O.N.P.A., un comité loufoque censé honorer ceux qui, au nom du civisme, se mêlent des affaires d’autrui. L’arrière-front, lui aussi, avait ses décorations.
« Concours d’échos pour L’Intran » – À l’approche de l’automne, la veine parodique ne tarit pas. Les « échos » envoyés au journal continuent de tourner en ridicule le registre sentimentaliste de la presse conservatrice. Ce numéro confirme combien le Canard a su fédérer ses lecteurs autour d’un rire commun : une arme collective, autant politique que littéraire, contre la rhétorique guerrière.
« NOUS « , dessin de Lucien Laforge – Les conscrits, dessin de Raoul Guérin –
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
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À l’automne 1918, alors que l’Allemagne vacille et que la guerre touche à son épilogue, Le Canard enchaîné continue de ferrailler, non seulement contre l’ennemi d’outre-Rhin, mais aussi contre les travers bien français. Henri Béraud, qui manie le pastiche avec l’aisance d’un prestidigitateur, consacre la une du 11 septembre à un épisode imaginaire : la création du C.P.C.O.N.P.A. — le Comité pour la Création d’un Ordre National des Policiers Amateurs. Rien que l’acronyme sonne comme une plaisanterie de café du commerce, et c’est bien le but.
Béraud s’attaque ici à deux cibles. D’abord, la manie hexagonale des décorations, rubans et médailles distribués avec une solennité qui confine au ridicule. Ensuite, l’invasion de petits chefs et de donneurs de leçons, prompts à épier, surveiller et dénoncer au nom d’un patriotisme de façade. La guerre a donné à ces « policiers amateurs » une légitimité nouvelle, que Béraud se plaît à tourner en dérision.
L’article déroule la séance inaugurale du comité avec un sens aigu du théâtre burlesque. On y croise Léon Daudet et Mistinguett, Mme Paquin et l’abbé Cochin, chacun plaidant pour la couleur du ruban. Bleu roi, blanc, invisible… finalement, c’est « la rousse » qui l’emporte, choix d’une logique imparable puisqu’il s’agissait de récompenser la délation et les petites basses œuvres. La farce culmine lorsque les participants votent à l’unanimité la création de cet ordre, au milieu d’un chœur qui entonne Les moutons de la Mascotte.
Sous le rire, on devine une critique sérieuse. L’année 1918 est aussi celle où la France s’enfonce dans l’espionnite, où la suspicion contre les voisins, les journalistes et les politiciens nourrit un climat délétère. Béraud, en imaginant ce comité grotesque, met en lumière l’absurdité d’un pays où l’on pourrait, au nom de la patrie, distribuer des croix non aux poilus, mais à ceux qui « rapportent » les conversations de café.
C’est toute la force de cet article : derrière la cocasserie de l’intrigue, il y a une mise en garde contre la tentation autoritaire et la bêtise bureaucratique. En pleine guerre, Béraud rappelle que la satire peut être une arme, non contre l’ennemi, mais contre les ridicules de son propre camp.





