N° 157 du Canard Enchaîné – 2 Juillet 1919
N° 157 du Canard Enchaîné – 2 Juillet 1919
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Wilson, de prophète à simple passager
Le Canard enchaîné démonte le mythe wilsonien
Le 2 juillet 1919, au lendemain de la signature du traité de Versailles, Le Canard enchaîné propose un article au titre laconique : « Wilson est parti ». Tout est dit en trois mots, mais tout est dit avec une ironie grinçante. L’homme qui avait suscité une ferveur quasi religieuse quelques mois plus tôt quitte la scène, et la France découvre qu’il n’a pas tenu ses promesses.
Le Canard joue sur le contraste entre les attentes et la réalité. À son arrivée, en décembre 1918, Wilson avait été accueilli comme le champion du droit des peuples et de la paix universelle. Sa rhétorique, ses « Quatorze points », avaient enflammé l’opinion. Mais à Versailles, face à Clemenceau et Lloyd George, ses idéaux se sont effrités. Les réalités des rapports de force l’ont emporté sur ses beaux principes.
L’article souligne avec humour cette désillusion : Wilson n’est pas parti en triomphateur, mais en vaincu de la diplomatie. Le messie se révèle impuissant, et son départ symbolise l’écart entre les proclamations lyriques et la dureté des compromis politiques. Le procédé satirique du Canard consiste à réduire l’événement à une simple note de voyage : l’homme d’État devient un passager qui reprend le bateau, presque un touriste.
En se moquant du président américain, le journal critique en réalité le système diplomatique tout entier. Si même Wilson, auréolé de prestige, n’a pu imposer ses idées, c’est bien la preuve que la « paix nouvelle » sera dominée par les vieilles logiques de puissance. La paix universelle s’éloigne, la paix punitive s’installe.
Avec ce texte, le Canard se montre visionnaire : il pressent que le traité de Versailles, loin d’apaiser les tensions, en créera de nouvelles. L’ironie sur Wilson masque mal une inquiétude sérieuse : si les idéaux ne pèsent rien face aux intérêts, alors l’avenir reste sombre.
Ce petit article, sec et railleur, condense l’art du Canard : en trois mots — « Wilson est parti » — il détruit un mythe et révèle la fragilité d’une paix déjà compromise.