N° 210 du Canard Enchaîné – 7 Juillet 1920
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Une femme bien heureuse
Dans son conte satirique « Une femme bien heureuse », publié le 7 juillet 1920 dans Le Canard enchaîné, Maurice Coriem dépeint avec humour acide la condition féminine et l’hypocrisie sociale de la petite bourgeoisie de province. Derrière l’histoire apparemment légère d’une « petite amie » transformée en domestique consentante, se dessine une critique mordante de la domination masculine, des convenances locales et du patriarcat ordinaire d’après-guerre.
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L’article de Maurice Coriem, paru en page 4 du Canard enchaîné du 7 juillet 1920, s’inscrit dans une veine bien particulière du journal : celle du conte satirique. « Une femme bien heureuse » semble au premier abord une historiette anodine, mais derrière le ton badin, le texte révèle un double regard critique sur la condition des femmes et sur les hypocrisies sociales de la France provinciale de l’immédiat après-guerre.
L’histoire met en scène Aristide Bougrelon, fonctionnaire des Contributions indirectes, et sa « petite amie » Nenette. Sous couvert d’amour et de tendresse, Aristide la fait venir vivre chez lui… pour en réalité l’assigner au rôle de bonne à tout faire. Prétextant la nécessité de préserver son image respectable aux yeux des voisins, de l’huissier, du vétérinaire et du pharmacien, il impose à Nenette toutes les tâches domestiques : ménage, cuisine, lessive, cirage, raccommodage. La « petite amie » est présentée à l’extérieur comme une compagne, mais utilisée au quotidien comme domestique gratuite.
Le ressort comique vient du contraste entre le discours amoureux d’Aristide et la réalité triviale de l’exploitation. Les surnoms tendres (« mon loulou en sucre », « ma petite crotte en or ») masquent une assignation servile qui reflète la condition féminine dans la société de 1920. À une époque où les femmes, tout juste sorties de leur rôle de suppléantes dans les usines pendant la guerre, réclamaient plus d’autonomie et de droits, Coriem rappelle avec ironie que, dans les foyers et les petites villes, elles restaient enfermées dans la sphère domestique.
La critique sociale est renforcée par l’environnement : Barbezieux, petite sous-préfecture typique, où la réputation est scrutée par tous. Aristide, fonctionnaire moyen, ne craint pas de compromettre Nenette, mais redoute le regard de la « bonne société » locale. L’hypocrisie de cette bourgeoisie provinciale – prompte à condamner les scandales mais tolérante envers une exploitation quotidienne – est ici mise en lumière avec férocité.
À travers l’humour et le caricatural, Coriem dresse donc un tableau grinçant de la domination masculine et des convenances sociales. Nenette est « bien heureuse » seulement parce que la narration masculine le dit : son bonheur n’est qu’un masque imposé, reflet d’un ordre patriarcal où la femme n’a pas voix au chapitre. Dans le contexte des années 1920, marqué par les luttes féministes pour le droit de vote (qui ne sera obtenu qu’en 1944), le conte résonne comme une satire lucide et amère de l’inégalité persistante entre hommes et femmes.

 
      



