N° 223 du Canard Enchaîné – 6 Octobre 1920
N° 223 du Canard Enchaîné – 6 Octobre 1920
79,00 €
En stock
Le rétablissement des Bateaux Parisiens
En 1920, la Seine n’était pas seulement un décor romantique : on y rêvait d’un transport moderne, pratique et… plein d’esprit. Coriem raconte avec humour la renaissance annoncée des « Bateaux Parisiens », dans un Paris engorgé par la circulation. Entre satire administrative, bricolages techniques et imaginaire fluvial, l’article croque une capitale en quête de souffle.
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
En stock
Dans son édition du 6 octobre 1920, Le Canard enchaîné confie à Coriem une chronique qui illustre à merveille la verve satirique du journal : le retour annoncé des « Bateaux Parisiens ». Derrière un sujet en apparence léger – la reprise de la navigation fluviale comme mode de transport urbain – se cache un portrait grinçant de la société française au sortir de la Grande Guerre.
La Première Guerre mondiale a laissé Paris congestionné, non seulement par le traumatisme humain, mais aussi par les réalités matérielles : embouteillages monstres, manque de moyens de transport, infrastructures vétustes. La Seine, artère symbolique de la capitale, avait vu disparaître ses bateaux-mouches au profit des convois militaires ou des transports de charbon. En 1920, leur retour est présenté comme une modernisation indispensable, un geste à la fois pratique et symbolique : faire revivre le fleuve comme voie de circulation, et non comme simple décor.
Mais Coriem transforme cette annonce en un véritable sketch. L’article multiplie les clins d’œil aux lenteurs administratives, aux absurdités techniques et aux improvisations des ingénieurs. On apprend ainsi que les bateaux, pour cause d’encombrement de la Seine, devront circuler… sur les rives, adaptés avec des rails et des pédales de frein. L’image burlesque d’un « bateau sur terre ferme » piloté par un capitaine actionnant une manivelle résume à elle seule la satire : derrière la pompe du projet modernisateur, on retrouve le bricolage à la française, où l’ingéniosité se mêle à l’absurde.
Coriem appuie aussi là où ça fait mal : la prolifération de commissions municipales, chacune défendant son quartier, ses intérêts ou ses chimères hydrauliques. La Villette réclame une dérivation de la Seine, Belleville proteste contre l’exclusion de son territoire, Batignolles demande des garanties… Dans ce millefeuille de doléances locales, on retrouve une critique du morcellement politique de l’époque, où chaque conseiller défend son pré carré plutôt que l’intérêt collectif.
Historiquement, l’article s’inscrit dans le grand débat de la modernisation parisienne des années 1920. Alors que le métropolitain commence à s’étendre et que les automobiles envahissent la ville, la question du transport public devient un enjeu central. Le Canard choisit de traiter ce sujet sérieux sur le ton de la farce, transformant les ingénieurs en bateleurs, les élus en caboteurs et les Parisiens en passagers d’une comédie nautique.
En définitive, cet article illustre le rôle du journal : dénoncer les lenteurs, les contradictions et les illusions du progrès officiel, tout en faisant sourire ses lecteurs. La Seine n’est pas seulement un fleuve : elle devient un miroir des travers français, où l’eau des grands projets finit toujours par se mêler au vin de la satire.

      



