N° 245 du Canard Enchaîné – 9 Mars 1921
N° 245 du Canard Enchaîné – 9 Mars 1921
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« Les grandes heures »
Un mois plus tard, le Canard revient à la charge avec un nouveau démontage du lyrisme journalistique. « Les grandes heures », expression qu’on retrouve dans les récits de commémorations et de cérémonies patriotiques, devient la cible d’une ironie mordante. Le journal met en scène ces « heures » comme des spectacles de carton-pâte, gonflés d’emphase mais vides de substance. Cette chronique raille la propension de la presse conservatrice à sacraliser chaque événement, qu’il s’agisse d’une inauguration, d’une messe commémorative ou d’un discours officiel. En multipliant les hyperboles, les journalistes transforment la vie politique en théâtre d’ombres. Le Canard, en forçant le trait, révèle ce caractère factice : au lieu de grandeur, il ne reste que de la mise en scène. Ce texte s’inscrit dans la continuité du combat mené depuis 1918 contre le « pathos organisé », et illustre la volonté de l’hebdomadaire de maintenir vivante la critique des rhétoriques sentimentales au cœur des années 1920.
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« Fausse manœuvre »
Voler une poignée de haricots ou les paratonnerres de Notre-Dame ? Dans le Canard enchaîné du 9 mars 1921, Whip tourne en dérision les hiérarchies du vol et montre que le plus « sot » n’est pas toujours celui qu’on croit. Entre le cambrioleur de pacotille et le banquier respectable qui manipule des milliards, la chronique oppose le ridicule des petits larcins à l’hypocrisie des grands.
Avec son article « Fausse manœuvre », publié le 9 mars 1921, Whip déploie un humour grinçant qui illustre à merveille l’esprit du Canard enchaîné des années vingt. Derrière l’anecdote du voleur maladroit, c’est toute une critique sociale et politique qui se dessine.
L’argument de départ est volontairement absurde : comparer les différents « métiers » de voleur. À côté du chapardeur qui dérobe une poignée de haricots secs ou du cambrioleur qui s’attaque à une chambre de bonne, Whip évoque les casses plus ambitieux, du pillage de bijouteries aux acrobaties périlleuses d’un aventurier prêt à chiper les paratonnerres de Notre-Dame. Le texte prend des allures de manuel du parfait voleur, détaillant les « joies simples » du larcin ou les embûches qui guettent l’amateur d’effractions. Le lecteur sourit de ces comparaisons décalées, où le larcin le plus incongru finit toujours par tourner au ridicule.
Mais le cœur du propos se dévoile dans le renversement final. Le malfaiteur imaginaire qui, fort de ses « exploits », vient proposer ses services dans une banque, se fait rabrouer par le banquier scandalisé. Car, explique ce dernier, la « maison respectable » où il officie ne procède pas par effractions grossières : elle pratique des opérations financières raffinées — reports, changes, options, dividendes fictifs, émissions frauduleuses — qui, pour Whip, ne sont rien d’autre que des vols institutionnalisés. La satire est implacable : ce que la société stigmatise comme délinquance (le vol de rue, le cambriolage) n’est rien au regard des fraudes légales ou tolérées par les institutions financières.
Le contexte historique rend cette charge particulièrement pertinente. En 1921, la France est en pleine instabilité économique : l’après-guerre a multiplié les faillites, les manipulations boursières se multiplient, et les scandales financiers font régulièrement la une. Les petits voleurs alimentent les colonnes de faits divers, mais les « grands voleurs », installés dans les conseils d’administration et les banques, échappent souvent à la justice. Le Canard enchaîné, fidèle à sa mission satirique, rappelle que le vrai danger social n’est pas dans la rue mais dans les officines respectables.
Le style de Whip accentue la force du message. Les images cocasses — le voleur qui s’amuse à lancer des haricots comme projectiles ou celui qui se vante d’avoir « chipé les paratonnerres de Notre-Dame » — préparent la chute grinçante. Le ton faussement léger, qui se plaît à détailler les « carrières » possibles du brigand amateur, met en évidence l’hypocrisie d’un système qui réprime durement les petits délits tout en couvrant les grandes escroqueries.
Ce contraste, entre la farce et la critique sociale, est caractéristique du Canard enchaîné de l’époque. En faisant rire de l’absurdité d’un voleur trop fier de ses exploits minables, Whip invite le lecteur à réfléchir : qui vole vraiment ? Le pickpocket ou le banquier ? La chronique rappelle que l’essentiel n’est pas seulement ce que l’on vole, mais avec quelle légitimité on le fait, et sous quel habit social on se cache.
En 1921, à une époque où la misère pousse certains aux menus larcins tandis que d’autres s’enrichissent par des montages financiers douteux, l’humour de Whip éclaire une vérité intemporelle : la frontière entre la délinquance et le « monde respectable » est parfois plus fine qu’un billet bleu.

 
      



