N° 535 du Canard Enchaîné – 29 Septembre 1926
N° 535 du Canard Enchaîné – 29 Septembre 1926
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Une belle réponse de M. Poincaré à M. Briand
Le 29 septembre 1926, dans Le Canard enchaîné, Drégerin signe une chronique délicieusement sarcastique : Une belle réponse de M. Poincaré à M. Briand. Sous couvert de louer un “vent d’optimisme frais et joyeux”, il ridiculise la rhétorique martiale de Raymond Poincaré, alors en croisade contre toute idée de rapprochement franco-allemand. Tandis que Briand prône la conciliation, Le Canard moque la ferveur “nationalo-casquée” du pays, prêt à danser le tango patriotique au son des clairons. Dans cette satire enlevée, le journal épingle la France qui se berce d’illusions héroïques au moment où l’Europe rêve — timidement — de paix.
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L’article Une belle réponse de M. Poincaré à M. Briand, publié le 29 septembre 1926 dans Le Canard enchaîné, marque l’un de ces moments où la verve du journal saisit mieux que quiconque le climat politique de la France de l’entre-deux-guerres : un mélange d’euphorie nationaliste, d’angoisse monétaire et de crainte obsessionnelle de l’Allemagne.
Signé Drégerin, le texte parodie les dépêches d’agence enthousiastes relayant le discours prononcé par Raymond Poincaré à Bar-le-Duc, sa ville d’origine, le 26 septembre 1926. Le président du Conseil, auréolé du “redressement du franc”, y défendait une ligne de fermeté face à l’Allemagne et à ceux — comme Aristide Briand — qui songeaient déjà à un rapprochement diplomatique.
Sous la plume de Drégerin, ce discours devient une “belle réponse” non pas par sa hauteur d’esprit, mais par sa parfaite absurdité. Le journaliste en mime le ton avec un humour corrosif : “Un vent d’optimisme frais et joyeux” souffle sur le pays, les drapeaux sont de sortie, les trains vers l’Allemagne se transforment en “trains de plaisir pour Berlin”, et les hommes en uniforme manifestent “un entrain endiablé”. En somme, la France, ragaillardie par la stabilité monétaire, se redécouvre une passion guerrière.
Ce faux enthousiasme est évidemment une satire. Le Canard souligne le ridicule d’un pays qui, sous prétexte de “redressement moral”, s’enivre à nouveau de rhétorique militaire. Poincaré, devenu le champion de la vertu financière, est ici caricaturé en prédicateur patriote, distribuant bénédictions et leçons d’orthodoxie nationale. Quant à Briand, à qui le titre fait référence, il incarne l’autre camp : celui des diplomates “fraterniseurs”, déjà suspects de faiblesse. Le journal évoque son “garde à vue à Cocherel” — une image évidemment ironique — pour moquer la suspicion qui entoure toute tentative de dialogue franco-allemand.
Le texte joue en permanence sur le double sens : le ton feint l’approbation (“Poincaré s’est dressé, et à l’appel de sa voix métallique, tous les fabricants de casquettes de guerre ont répondu comme un seul homme”), mais le contenu révèle la satire. Derrière la “belle réponse”, on lit le portrait d’une France myope, incapable d’échapper à ses réflexes de 1914. La phrase “On s’apprêtait à rejouer du Wagner, à redanser le tango et le roulis-roulis” condense tout le génie du Canard : moquer la démagogie belliciste à travers une métaphore de cabaret.
Historiquement, l’article intervient au moment où la politique de stabilisation du franc, menée par Poincaré depuis son retour au pouvoir en juillet, semble porter ses fruits. Mais la détente internationale, amorcée timidement par Briand et Stresemann, reste fragile et suscite l’hostilité d’une droite encore hantée par la guerre. Drégerin résume ce climat : entre la peur de l’Allemagne et la peur de la paix, le gouvernement préfère le tambour au dialogue.
Ainsi, derrière l’humour, Le Canard enchaîné livre une analyse d’une lucidité mordante : le “redressement moral” vanté par Poincaré n’est qu’une posture, et la prospérité retrouvée s’accompagne d’un retour inquiétant à la ferveur nationaliste.
La “belle réponse” à Briand, conclut-on entre les lignes, n’est qu’un écho du passé. En 1926, la France, tout juste sortie de la tourmente financière, n’a toujours pas appris à se gouverner autrement qu’en rejouant la guerre.





