N° 589 du Canard Enchaîné – 12 Octobre 1927
N° 589 du Canard Enchaîné – 12 Octobre 1927
79,00 €
En stock
Voilà comme nous sommes !
Le 12 octobre 1927, Le Canard enchaîné publie en une une charge jubilatoire signée Maurice Morice : « Voilà comme nous sommes ! ». Sous des airs bonhommes, le journaliste dresse un portrait féroce de la diplomatie française, écartelée entre ses “amis américains” et ses “ennemis russes”. Les premiers nous vendent leurs surplus au prix fort tout en bloquant nos produits à leurs frontières ; les seconds, honnis parce qu’ils sont bolcheviks, deviennent le repoussoir commode de la “bonne société”. Une satire d’une lucidité mordante sur les hypocrisies politiques et économiques de l’entre-deux-guerres — et sur la servilité d’un pays prompt à acclamer ses créanciers.
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
En stock
Sous le titre ironique « Voilà comme nous sommes ! », Maurice Morice signe dans Le Canard enchaîné du 12 octobre 1927 une chronique de politique internationale qui tient à la fois du billet d’humeur et de la leçon de réalisme. Avec sa plume pleine de sel, Morice met à nu l’hypocrisie de la diplomatie française, prise entre l’amitié servile qu’elle manifeste envers les États-Unis et la haine quasi rituelle qu’elle réserve à l’Union soviétique.
L’article s’ouvre sur un ton faussement naïf : “Nous avons des amis, de bons amis : ce sont les Américains.” Le Canard feint d’applaudir cette belle entente atlantique avant d’en détailler la facture. Les États-Unis, écrit Morice, ont commencé par “nous refiler au prix fort des stocks et des stocks de trucs qu’ils ne voulaient pas remporter chez eux”. Allusion directe aux dettes de guerre et aux surplus américains vendus à prix d’or à l’Europe après 1918. La France, encore exsangue de la Grande Guerre, rembourse en dollars “pendant soixante-deux ans” tandis que Washington, lui, protège ses industries derrière des barrières douanières colossales.
Le sarcasme devient patriotique : “Mais tout ça ne nous empêche pas d’être au mieux avec les Américains, de les acclamer et de les encenser. Parce que nous, quand on est amis, on est amis !” La répétition du refrain, faussement candide, transforme la soumission économique en comédie nationale. Morice décrit un pays qui se pavane de gratitude devant ceux qui l’étranglent poliment à coups de prêts et de droits de douane. L’ironie est d’autant plus mordante qu’elle s’appuie sur une réalité : en 1927, la France dépend des capitaux américains pour financer sa reconstruction et stabiliser le franc, que Poincaré vient tout juste de sauver de l’effondrement.
Puis vient le contraste : “Et puis, de l’autre côté, il y a les Russes.” Là encore, la rhétorique est faussement simple. Les Soviétiques, “ennemis de la bonne société”, sont présentés comme les parfaits contrepoints des Américains : mêmes excès, traitement inverse. Morice ridiculise le réflexe de rejet pavlovien envers tout ce qui vient de Moscou. “Ils peuvent toujours venir, avec leurs grosses bottes de moujiks, nous apporter des tchernowitz pour payer leurs dettes !” La charge vise autant les diplomates que la bourgeoisie française, obsédée par le bolchevisme depuis la révolution d’Octobre et incapable de voir que la politique étrangère se joue, elle aussi, sur des intérêts matériels.
Le ton monte, l’ironie se durcit : “Comment qu’on les envoie faire f… eux, leur ambassadeur et leur frick !” Derrière le juron stylisé, c’est la colère du Canard contre la politique du deux poids, deux mesures : soumission polie face à la finance américaine, intransigeance arrogante envers la Russie. L’hebdomadaire n’est pas pro-soviétique pour autant — il s’en moque aussi volontiers ailleurs —, mais il refuse le réflexe de classe qui guide alors la diplomatie française.
La conclusion boucle le texte avec le même refrain : “Parce que nous, quand on est ennemis, on est ennemis…” Morice renvoie la France à son image : celle d’un pays qui aime par snobisme et déteste par principe. En 1927, l’humour du Canard devient arme de lucidité : il dévoile l’arrogance d’une nation qui se croit indépendante tout en vivant à crédit.





