N° 787 du Canard Enchaîné – 29 Juillet 1931
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29 juillet 1931 — L’affaire Oustric blanchie, la République aussi ?
Drégerin célèbre les “innocents” à sa manière
Acquittés par la Haute-Cour, Raoul Péret et ses amis retrouvent l’honneur — et, chez Le Canard, un gouvernement tout neuf : “Oustric aux Finances, Péret à la Justice !” Dans un pastiche jubilatoire, Drégerin transforme la justice républicaine en vaudeville moral, où l’ironie vaut réquisitoire : la France blanchit ses coupables à l’eau bénite du ridicule.
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Les quatre acquittés de la Haute-Cour ont droit à une réparation éclatante
Le 29 juillet 1931, Le Canard enchaîné publie à sa une un article signé Drégerin, dont le titre provocateur annonce la couleur : « Les quatre acquittés de la Haute-Cour ont droit à une réparation éclatante ».
Sous couvert d’un ton faussement bienveillant, le Canard livre ici une charge d’une ironie redoutable contre le scandale politico-financier dit de l’affaire Oustric, qui éclabousse depuis 1930 le cœur du pouvoir républicain.
L’affaire a commencé un an plus tôt. L’homme d’affaires Albert Oustric, banquier spéculateur toulousain, a fait fortune dans les montages financiers douteux, notamment autour de la Société Viscosa, avant que son empire ne s’effondre. Sa faillite entraîne une cascade de révélations : on découvre que plusieurs membres du gouvernement ont usé de leur influence pour soutenir ses entreprises, parmi eux Raoul Péret, ministre de la Justice, et Gaston Vidal, ancien sous-secrétaire d’État.
Face à la colère publique, la Haute-Cour de justice est saisie : quatre personnalités politiques — Raoul Péret, René Besnard, Gaston Vidal et Albert Favre — sont traduites en justice pour corruption. En juillet 1931, après des mois de procédure, la Haute-Cour les acquitte.
C’est ce verdict qu’étrille Drégerin avec le sarcasme mordant du Canard.
Le texte se lit comme un manuel de réhabilitation caricaturale : les “quatre innocents” sont décrits comme des martyrs de la République, victimes d’un “complot politique” et d’une “erreur judiciaire”. Et puisqu’ils ont été injustement accusés, ironise le journaliste, il serait logique de les récompenser : “À ceux-ci, Dieu merci, on peut, au sortir du Sénat, les voir haut et blancs comme neige.”
La satire monte en puissance lorsque Drégerin imagine la “réparation” qu’il conviendrait d’accorder à ces hommes blanchis. Péret devrait, selon lui, récupérer “immédiatement et sans délai” sa “propriété” : la présidence de la République ! Quant à Oustric, le grand coupable, il pourrait bien devenir ministre du même gouvernement que ses anciennes “victimes”.
La liste burlesque du futur cabinet — “Présidence du Conseil et Finances : Oustric ; Justice : Péret ; Guerre : Gaston Vidal ; Marine : Falco ; Intérieur : Lautier…” — tourne en dérision la complaisance du pouvoir envers les siens.
Drégerin n’épargne personne, ni la justice, ni la presse, ni le clergé : on apprend, dans une “joie à Saint-Ferdinand”, que le curé-doyen a arrosé de bénédictions l’un des acquittés, fidèle paroissien. La France, résume-t-il, célèbre ses faux innocents comme des saints d’un culte nouveau, celui de la vertu blanchie au chlore judiciaire.
Ce texte, d’apparence légère, traduit en réalité une crise de confiance majeure : en 1931, la République parlementaire semble s’être résignée à l’impunité des élites. Le verdict de la Haute-Cour choque profondément l’opinion. Le Canard capte cette indignation en la retournant par le rire : à force d’acquitter, la justice fabrique des ministres et des héros. “Une réparation intégrale et éclatante s’impose donc”, écrit Drégerin — phrase qui résonne comme un verdict contre le verdict.
Derrière la farce, la gravité affleure : la France de 1931, frappée par la crise économique, voit les scandales s’enchaîner — Oustric hier, Stavisky demain. Dans ce contexte, Le Canard s’érige en sentinelle ironique de la morale publique, refusant le cynisme d’État.
En tournant en dérision la justice sénatoriale et ses faux acquittements, Drégerin rappelle que l’humour reste l’arme la plus efficace contre la corruption, surtout quand la République n’a plus que des rires jaunes à offrir à ses citoyens.

 
      



