N° 801 du Canard Enchaîné – 4 Novembre 1931
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Retour d’Amérique
4 Novembre 1931 : Pierre Laval rentre d’Amérique, et le Canard enchaîné clôt son feuilleton diplomatique sur un éclat de rire. À la une, le journal raille les “mêmes vivats” du Petit Parisien, repris du Havre à Saint-Lazare ; Grove le dessine en vedette de music-hall, “se prenant pour Maurice Chevalier”. À Aubervilliers, sa fanfare repeint les cuivres, les marchands de marrons se préparent à fêter le “héros”, et sa fille José accorde une interview absurde, entre mode et politique. Enfin, Pedro croque un Laval triomphant qui résume tout : “Si je vous en parle, c’est parce que je vous en cause !” En 1931, alors que la France s’enfonce dans la crise, le Canard transforme la diplomatie en vaudeville : un triomphe sans gloire, une satire sans appel.
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4 novembre 1931 : Laval rentre d’Amérique — triomphe en carton et fanfare d’Aubervilliers
Le Canard enchaîné achève sa comédie du voyage Laval-Hoover
Le Canard enchaîné du 4 novembre 1931 met un point final, dans un éclat de rire général, à la saga du voyage américain de Pierre Laval. Depuis plusieurs semaines, l’hebdomadaire suit le périple du président du Conseil — parti à Washington pour parler dettes et désarmement — comme une revue burlesque. À son retour, il transforme son accueil officiel en farce populaire.
En une, sous le titre « Les mêmes vivats… », le journal moque le Petit Parisien, coupable d’avoir titré sur « la foule énorme » qui acclame Laval à Saint-Lazare, après avoir titré la veille sur les « mêmes vivats » lors de son arrivée au Havre. Drégerin salue, faussement admiratif, « la vaillante brigade des acclamations », ces figurants d’un enthousiasme officiel transportés d’un port à l’autre. Même André Tardieu, pourtant maître en matière d’autocélébration, « en jaunit de jalousie ». La satire vise à la fois la presse gouvernementale et le rituel creux du patriotisme médiatique.
Sous le dessin de Grove, un Laval au torse bombé, rentrant des États-Unis, passe devant deux badauds médusés : « Ma parole, il se prend au moins pour Maurice Chevalier ! » Le trait résume l’état d’esprit du Canard : Laval revient d’Amérique en vedette de music-hall, confondant conférence diplomatique et tournée promotionnelle.
En page 2, « L’enthousiasme à Aubervilliers » pousse la moquerie jusqu’à l’absurde. Laval, ancien maire de la commune, y est attendu « dans un enthousiasme littéralement débordant ». La fanfare astique ses cuivres, les marchands de marrons et les anciens gendarmes du Puy-de-Dôme préparent le cortège, et un certain M. Foulon s’entraîne « à lever son verre à la hauteur de cet événement historique ». Le comique de répétition atteint ici son sommet : la province rejoue le théâtre patriotique, version banlieue rouge. Le Canard y voit la caricature d’un pays qui s’embrase d’enthousiasme pour des succès imaginaires.
En page 3, la plume du journal se fait plus perfide encore avec « Nouvelles déclarations de Mlle José Laval ». Ce faux entretien, truffé d’inventions loufoques, prête à la fille du président du Conseil des propos d’une vanité confondante. José s’y décrit « vice-présidente d’honneur de la fanfare d’Aubervilliers », confie son goût pour « l’équitation et les cocktails », et annonce la mode de l’hiver : « crêpe Suzette garni de chinchilla argenté façon lapin du Gâtinais ». Le ton mondain et les remarques frivoles tournent en dérision la presse à sensation, toujours prompte à transformer les proches des puissants en vedettes. Mais derrière l’humour, on devine une critique plus large : celle d’une République qui, dans la crise de 1931, préfère le vernis mondain à la gravité politique.
Enfin, en page 4, le dessin de Pedro conclut cette comédie : Laval, assailli par les journalistes, s’exclame fièrement : « Et j’ai dit à Hoover : “Si je vous en parle, c’est parce que je vous en cause !” » — formule auvergnate tournée en dérision, parfaite synthèse de la vacuité du voyage. La mise en scène est bouclée : du Havre à Saint-Lazare, d’Aubervilliers à Washington, le chef du gouvernement devient un personnage de comédie, plus proche de Charlot que de Clemenceau.
Cette série d’octobre-novembre 1931 illustre un moment rare de cohérence satirique : le Canard enchaîné orchestre sur plusieurs semaines un feuilleton diplomatique devenu opérette nationale. Pendant que la France traverse une crise financière grave, que le chômage monte et que la droite s’agrippe au mythe du prestige français, l’hebdomadaire s’amuse à démonter, avec une jubilation contagieuse, la machine de communication gouvernementale.
Derrière la légèreté, une critique profonde : l’État s’enivre de son propre spectacle. Et le Canard, en répétant inlassablement les « mêmes vivats », tend à la République son miroir déformant — celui où les puissants se regardent triompher.





