N° 1719 du Canard Enchaîné – 30 Septembre 1953
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Les farceurs ou l’art de l’oubli ministériel
Dans Le Canard du 30 septembre 1953, Tréno signe le troisième volet de son enquête sur le trafic des piastres. Après l’imbécile sacrifié et les profiteurs gavés, voici les « farceurs » : ministres, secrétariats, cabinets, tous occupés à se renvoyer l’affaire comme une patate brûlante. Au cœur du scandale, un rapport explosif enterré depuis 1950… et la révélation que la République profitait elle-même du trafic. Un texte féroce qui met à nu la IVe République, ses esquives, ses silences et ses complicités.
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Les Farceurs
Quand la République joue à cache-cache avec ses propres scandales
Avec Les Farceurs, publié en une le 30 septembre 1953, R. Tréno poursuit son démontage méthodique du plus grand scandale colonial de l’après-guerre : le trafic des piastres. Après « L’Imbécile » (Despuech) puis « Les Malins » (les profiteurs), voici l’échelon supérieur : les ministres, les hauts fonctionnaires, et cette courte échelle administrative où chacun, dès que la vérité approche, passe la patate chaude au suivant.
Une République qui ne veut pas savoir
L’article s’ouvre sur une lettre bien réelle : celle que Vincent Auriol, président de la République, adresse en 1951 à René Pleven, chef du gouvernement. Il y évoque des « sources diverses » signalant un trafic de devises en Indochine. Le ton est sévère, presque solennel. Le scandale serait énorme, les responsabilités lourdes, la situation explosive. Le chef de l’État exige des sanctions. Sur le papier, tout est clair.
Mais immédiatement, Tréno montre ce qui se passe réellement : rien. Pleven, plutôt que d’agir, téléphone, s’agite, s’emporte… puis refile la chose à Georges-Bidault. Qui, lui aussi, refile la chose à Letourneau. Qui, à son tour, la refile à Ribière. Le dessin de J. Lap fait le reste : une pyramide de ministres se passant l’affaire comme un plateau brûlant, chacun criant : « C’est pas moi, c’est l’autre ! ».
Les « farceurs », ou l’art de tomber de la lune
Tréno rappelle que dès 1950, un rapport accablant — le rapport Marianni, rédigé par un administrateur de l’Office des changes — dénonçait noir sur blanc le trafic des piastres et réclamait des mesures d’urgence. Le rapport, explosif, dormait dans un coffre-fort de la rue de Rivoli. Et surtout : les ministres concernés le connaissaient. Ils l’avaient en main. Ils l’avaient lu. Et pourtant, chaque fois que la presse ou l’Assemblée évoquait le scandale, ils faisaient mine de n’en avoir jamais entendu parler.
C’est alors que s’impose le titre de Tréno : « farceurs ». Non pas comiques innocents, mais farceurs d’État, dont la feinte naïveté sert surtout à enterrer une affaire où la responsabilité de la République est écrasante.
Le plan Marshall et le plan Ubu
Le passage le plus frappant de l’article survient lorsque Tréno cite Paul-H. Teitgen, ancien vice-président du Conseil :
« Si le gouvernement ne fait pas cesser le trafic des piastres, c’est parce qu’il en profite. »
Le trafic des piastres sert à « boucher les trous du budget ». Les fortunes privées des Malins ne seraient donc que la partie émergée du scandale : la République elle-même tire profit du système.
Tréno conclut d’un trait d’humour noir : « Le plan Marshall et le plan Ubu ! ».
Autrement dit : l’Amérique aide la France à se relever, et la France, elle, équilibre ses comptes… grâce à une escroquerie coloniale dont elle nie jusqu’à l’existence.
Une IVe République incapable et complice
Nous sommes en 1953 : la guerre d’Indochine s’enlise, la défaite approche, l’opinion se lasse, les gouvernements tombent les uns après les autres. Dans ce chaos, l’affaire des piastres révèle le mécanisme central de la IVe République : des ministres fragiles, une bureaucratie paralysée, et une élite qui couvre, décale, étouffe.
La série de Tréno — L’Imbécile, Les Malins, Les Farceurs — forme un véritable triptyque :
- un naïf brisé par la machine,
- des profiteurs protégés,
- et une République qui joue les amnésiques.
Dans Les Farceurs, le Canard brise le dernier écran : celui de la responsabilité politique.
Edgar Faure nous explique son budget - Arriba Franco ! vivent les prisons libres ! - Kathleen Hugues - A la rôtissoire : Armand qui grince et Armand qui rit (fragment de dialogue de Salacrou )





