L’article « Le Crime Total », signé par Arsène Ex-Lupin et publié dans Le Canard enchaîné du 23 novembre 1955, s’attaque avec virulence à l’inhumanité croissante des temps modernes, prenant comme point de départ l’affaire Graham, un drame sordide survenu aux États-Unis.

L’auteur évoque John Gilbert Graham, qui, en 1955, fit exploser un avion transportant sa propre mère et 44 autres passagers pour toucher une assurance-vie. Arsène Ex-Lupin peint avec cynisme ce personnage qualifié de « doux » par ses proches, un monstre en apparence ordinaire, incarnation de la modernité déshumanisée où l’on tue sans se salir les mains. Cette forme de « crime total », froid et méthodique, est pour l’auteur le reflet d’une époque marquée par la perte de scrupules et l’accélération des violences.

L’affaire Graham est replacée dans un cadre plus vaste, celui des grands crimes de guerre. Arsène Ex-Lupin établit un parallèle glaçant entre les crimes individuels et les carnages de masse perpétrés pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment les bombardements de Coventry, Hambourg et Hiroshima. Là où Graham agit par cupidité, d’autres chefs de guerre ont orchestré la mort de centaines de milliers de civils sans le moindre trouble, sous couvert d’une légitimité morale ou stratégique. Cette froide justification des massacres, écrit l’auteur, repose sur un axiome pervers : « On ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs ». Il s’insurge contre cette logique abominable qui excuse l’inexcusable, qu’il s’agisse de Hitler ou de Graham.

L’article se conclut par une image ironique et désabusée de la Colombe de la Paix, symbole supposé d’espoir. Arsène Ex-Lupin souligne avec amertume que cette colombe « a de drôles de bombes dans sa soute à bagages », dénonçant ainsi l’hypocrisie des discours pacifistes face à une humanité toujours plus violente.

À travers ce texte percutant, Arsène Ex-Lupin livre une dénonciation implacable de la violence moderne, qu’elle soit individuelle ou collective. L’affaire Graham, loin d’être un fait divers isolé, devient pour lui le symptôme d’une époque où le respect de la vie humaine a disparu, écrasé par la course au profit, la guerre et l’indifférence généralisée.