Morvan Lebesque, dans cet article intitulé « La situation fausse », publié le 4 avril 1956, livre une analyse implacable de l’impasse politique et morale que constitue la guerre d’Algérie sous le gouvernement de Guy Mollet. Usant d’un style à la fois dense et cinglant, il dénonce l’incapacité de la France à dépasser les schémas coloniaux qui la condamnent à une guerre sans issue.

Lebesque commence par brosser un portrait acerbe de Mollet, ancien surveillant de collège, qu’il décrit comme un « pion » prisonnier de logiques dépassées. Il relie cette image à la manière dont le gouvernement s’enlise dans une gestion mécanique de la guerre, sans vision ni génie. Pour l’auteur, l’absence de grandeur d’âme, de capacité à transcender les divisions, est au cœur du problème : un pays divisé entre des « rois et seigneurs » incapables de rendre justice et des fellagas poussés à la révolte par l’injustice coloniale.

La critique se durcit lorsqu’il évoque les déclarations de Mollet sur l’Algérie. Lebesque accuse le chef du gouvernement de nier les réalités en prétendant que l’Algérie est « une extension de la misère ». À travers cette formule assassine, il met en lumière la rhétorique vide de Mollet et des dirigeants qui, selon lui, refusent de se confronter à la complexité du conflit.

L’auteur pointe également une alternative absente : celle d’un appel à la mobilisation civile et morale, qui pourrait transcender les clivages et redonner sens à l’engagement français. Mais ce sursaut reste hypothétique face à un gouvernement qu’il juge incapable d’une telle hauteur de vue. Lebesque énonce avec force que la guerre d’Algérie, menée sans justice sociale ni vision, ne sert qu’à creuser davantage de fossés entre les peuples.

La conclusion est brutale : si la France n’est pas capable de sortir de cette « situation fausse », alors elle ferait mieux de se retirer et d’abandonner l’Algérie, au risque d’ajouter des mutilés de plus sur le pavé des Invalides. Cette sentence, empreinte de réalisme et d’amertume, reflète l’exigence morale qui traverse tout l’article.

L’article de Lebesque est une puissante charge contre l’immobilisme et la myopie des dirigeants, invitant à une réflexion profonde sur le sens même de l’engagement colonial.