L’article signé Arsène Ex-Lupin dans Le Canard enchaîné du 4 juillet 1956, intitulé « Leur honneur de civils… », illustre avec gravité et sensibilité la question des objecteurs de conscience et des insoumis face à la guerre d’Algérie. En s’appuyant sur une réflexion de Morvan Lebesque, citée en exergue, l’auteur développe une critique subtile de l’héroïsme militaire conventionnel et des sacrifices exigés par une guerre contestée.

D’entrée de jeu, l’article prend le parti des pacifistes, ceux qui, au nom d’une autre forme d’honneur — celui de la conscience et de la raison —, refusent de céder à ce que l’auteur appelle « l’hystérie féroce des chiens ». En cela, Arsène Ex-Lupin élève la figure de l’insoumis, qu’il s’agisse d’Emile Véran, ce pacifiste dévoué, ou des jeunes hommes comme Edmond Séchaud et Louis Schmitt, qui paient de leur liberté leur refus de participer à la guerre.

L’article recèle une force particulière dans son recours à l’énumération des noms et des cas précis, humanisant ces hommes souvent réduits à des statistiques ou à des figures anonymes. Le choix d’inclure leurs adresses personnelles résonne comme un appel direct aux lecteurs, une invitation à envoyer des lettres de soutien et à briser l’isolement que leur impose l’État. Ce geste, à la fois politique et intime, réinscrit la solidarité dans la sphère privée, tout en affirmant qu’un simple mot peut avoir une portée morale immense.

La plume d’Arsène Ex-Lupin oscille entre ironie mordante et compassion sincère. Il raille l’argument de la « nécessité » de tuer, tout en valorisant la résistance morale face à cette « nécessité » imposée par une logique guerrière. La censure, omniprésente, est dénoncée comme une autre forme d’oppression, mais l’auteur conclut avec optimisme, affirmant que même les gardiens, ceux qui lisent ces cartes, peuvent être touchés par un tel acte.

Ce texte illustre la capacité du Canard enchaîné à dénoncer les injustices et à incarner une voix dissidente, qui refuse les discours simplistes et les compromissions. Par la figure d’Arsène Ex-Lupin, le journal réaffirme son rôle de vigie morale et de soutien aux opprimés, même au cœur des batailles les plus controversées.