Maisons de la Culture : fin de partie pour l’utopie malrucienne

Jean Egen chronique la fermeture des rêves en béton armé

Dans l’édition du 13 novembre 1968, Jean Egen dresse un constat désabusé : les « Maisons de la Culture », symboles de la grandeur gaullienne et du souffle malrucien, ferment les unes après les autres. Après celle de Saint-Étienne, c’est au tour de Thonon, d’Épinal et de bien d’autres de baisser le rideau. Le rêve d’une « culture pour tous », d’un peuple éclairé par l’art et les lettres, se heurte à une réalité bien plus terne : désintérêt local, querelles politiciennes, manque de moyens et surtout… désert du public.

Ce projet qui devait « élever l’homme », selon la prose lyrique de Malraux, est rattrapé par les clivages sociaux et le mépris d’une technocratie qui bâtit, mais ne cultive pas. Résultat : des « cathédrales vides », où le théâtre subventionné côtoie l’ennui. Et comme le note cruellement Egen, « la Maison de la Culture meurt quand elle devient l’annexe de la préfecture ou de la mairie ».

À travers ce naufrage, Le Canard signe l’oraison d’une utopie à la française, déjà minée en 1968 par le divorce entre culture d’État et culture populaire.