N° 2708 du Canard Enchaîné – 20 Septembre 1972
N° 2708 du Canard Enchaîné – 20 Septembre 1972
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La justice passera
Aranda et la mécanique des “anges” : l’instruction quitte l’ombre
Inculpé par le juge Galmiche, Gabriel Aranda bascule du rôle de “visiteur” du Canard à celui de protagoniste central d’« Archanges ». Hervé Terrace raconte une justice enfin en marche — « Alors la justice fera son devoir », promet Messmer — et décortique les réflexes du système : séparation des pouvoirs brandie comme paravent, documents qui “voyagent” dans les ministères, campagnes officielles au cynisme comptable (« Passez à la caisse ou allez vous tuer ailleurs »). Au-delà du cas Aranda, le papier fait l’inventaire des zones grises où se rejoignent services, partis, entreprises et “anges” chargés d’éclairer… ou d’éteindre. Un acte II nerveux de l’affaire qui annonce une instruction à large spectre.
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La justice passera
Les “anges” dans les ténèbres administratives et politiques
Avec ce nouvel épisode, Hervé Terrace change d’échelle. L’« affaire Aranda » n’est plus une livraison de cartons embarrassés mais une procédure pénale ouverte. Premier fait marquant : l’inculpation de Gabriel Aranda par le juge Galmiche, qui arrache le dossier au théâtre des dénégations pour l’installer dans le temps long de l’instruction. Messmer, en vigie prudente, annonce : « Alors la justice fera son devoir et je suis sûr qu’elle le fera ». C’est le refrain rassurant du papier — « air connu » — que Terrace oppose à la routine des “habitudes”.
Le texte épouse une logique de démontage systémique. La “séparation des pouvoirs” est convoquée comme un bouclier de circonstance pendant que circulent, en coulisses, pièces, copies et « photocopies » dont on ignore toujours pourquoi les originaux n’ont pas été consultés. D’où la question qui fâche : l’enquête se contentera-t-elle d’un homme ou remontera-t-elle les circuits (ministères, cabinets, directions techniques, réseaux « promotionnels » de la majorité) qui ont rendu possibles ces transhumances documentaires ?
Terrace élargit d’ailleurs le champ : l’Équipement, l’Éducation, l’aménagement du territoire, les subventions, jusqu’à la fabrication d’armements — autant de « mondes de ténèbres » où l’on se passe l’éclairage entre “anges”. L’ironie mord quand il cite les campagnes officielles de sécurité (« Passez à la caisse ou allez vous tuer ailleurs ») pour signifier la froide logique budgétaire qui gouverne tout, y compris la morale publique. À la marge, d’autres silhouettes (Marcel Leclerc et son « redressement fiscal », Robert de Balkany proclamant que « les gaullistes me coûtent trop cher », les communicants de La Nation) composent la frise d’un régime où le politique, l’administratif et l’économique s’intriquent.
Le sous-texte est clair : la justice « passera » si elle s’autorise à relier les points. Terrace multiplie les piquets : pourquoi un auxiliaire de justice pour récupérer des copies ? qui tenait la main des “anges” ? que savaient les ministres « qui ne trouvent rien d’anormal » ? En fin de colonne, l’archange change de costume : « Gabriel Aranda : l’archange aux pieds fourchus… dans le plat ». Le trait est cruel, mais programmatique. Pour que l’affaire cesse d’être un cas et devienne une cause, il faudra que l’instruction quitte l’ombre des cabinets pour tester, une à une, les coutures du système. Alors — air connu, certes, mais attendu — la justice passera.