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N° 2814 du Canard Enchaîné – 2 Octobre 1974

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Valéry Folamour, par Jean Manan

Europe verte gross malheur ! – Chirac va faire une profession de froid – Nous sommes tous déconsommateurs – Vive le catastrophisme ! Draguignon et manque de pot – Hachette : la tête sur le billot – Le rein allemand – la kolossale kombine kaputt – L’art de créer une société qui existe déjà – aérospatiale : le coût du père Dassault – En prêtant ses fiches à l’armée, Ponia la fiche mal – Madrid : ça sent le sapin – Le salon de l’auto restriction – Le salon de l’auto Mobil Oil – Atome sweet atome – Spinola : le monocle n’est plus sur orbite – En attendant Colby – Assez de cette politique du Pie ! – Cinéma : Vincent, François, Paul…et les autres, par Michel Duran

Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix

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Canard au naturel
Canard en chemise

Chaque numéro ou journal anniversaire, peut être inséré dans une pochette cadeau au choix, d’un très beau papier pur coton, comportant une illustration originale spécialement réalisée pour COUAC ! par Fabrice Erre ou Laurent Lolmede, ou pour les premiers lecteurs du Canard Enchainé par Lucien Laforge.

Cette pochette cadeau assure aussi une conservation optimale du journal : un papier au PH neutre limitant la dégradation des vieux journaux sur la durée.

Décliné en 4 pochettes originales (5€)
Pochette offerte pour toutes éditions d’un prix supérieur à 59€
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Canard laqué

Enchâssé entre deux feuilles d’acrylique (plexiglass extrudé*) il s’exposera aux regards sous son plus beau jour.

Les propriétés anti-UV de ce plexiglass de 2 mm lui assureront une conservation optimale limitant le jaunissement.

Le maintien entre les deux plaques, avec 8 petites pinces nickelées, supprime la vue des plis ainsi que leurs effets indésirables. Les marges autour du journal sont de 2 cm et sont ajustées au format de l’édition, qui a varié au fil des décennies.

*Transparence, légèreté, résistance aux chocs et aux UV

Cette présentation est déclinée en 2 options :

Plexi transparent (30€) servant de fond, plus discret mais élégant il permet aussi la vision de la dernière page du journal.
Plexi noir (35€) servant de fond, il met en valeur la teinte et le format du journal, s’harmonisant parfaitement avec les encres noires de la page.

Valéry Folamour, président cascadeur

On est en octobre 1974, Giscard est à peine installé à l’Élysée depuis cinq mois. Le « jeune président moderne », élu à 48 ans, se veut proche des gens, amateur de sport, de dîners entre amis, de virées nocturnes. C’est précisément une de ces nuits qui fournit à Jean Manan un matériau de rêve : l’« affaire du laitier ».

Au petit matin, vers trois heures, la voiture de sport présidentielle emboutit une camionnette de livraison de lait dans les rues de Paris. Pas de blessés, mais une scène cocasse : le chef de l’État au volant d’une Ferrari, accompagné d’une jeune femme dont l’identité restera officiellement floue. La police arrive, prend note… et la grande presse se tait.

Manan commence par là : « On compte sur les doigts d’une main les journaux qui ont fait allusion à cet accident de voiture ». Discrétion confraternelle, respect des convenances, ou trouille pure et simple, peu importe. Le Canard, lui, refuse de « distinguer ce qui est publiable de ce qui ne l’est pas » quand il s’agit du comportement d’un président. C’est la fonction qui est en cause, pas seulement les amours supposées.

Du dragueur au docteur Folamour

Le coup de génie de l’article consiste à ne pas se contenter d’un ragot croustillant. Manan transforme l’anecdote sentimentalo-automobile en charge politique. D’où le titre, « Valéry Folamour », emprunté au film de Kubrick, Dr Strangelove, rebaptisé en France Docteur Folamour. Dans le film, un président américain un peu falot, entouré de militaires déjantés, se retrouve à deux doigts de déclencher l’apocalypse nucléaire par bêtise et par laxisme.

Le parallèle est clair : on peut trouver sympathique qu’un président aime les soirées chez Roger Vadim, les visites surprises et les virées en bolide. Mais on ne peut pas oublier qu’il a, à portée de main, la « petite boîte magique contenant le bouton de la force de frappe ». Manan imagine le chef de l’État, sortant d’une nuit trop arrosée, qui s’amuserait à « trifouiller le bouton fatal » comme un adolescent joue avec un gadget. La moitié de l’Europe de l’Est dévastée pour un dérapage de Ferrari : l’hypothèse est volontairement grotesque, mais elle suffit à rappeler la disproportion entre la vie privée du prince et les moyens de destruction qu’il contrôle.

C’est là que naît vraiment le surnom de « Valéry Folamour », qui collera durablement à Giscard : un mélange de président play-boy et de détenteur du feu nucléaire, mi-séducteur, mi-dangereux. L’ironie consiste à prendre au sérieux ce que l’entourage voudrait réduire à une peccadille galante.

Leçon de conduite à l’usage des présidents

La deuxième moitié de la chronique fonctionne comme une remontrance déguisée en sermon moqueur. Manan ne condamne pas la jeunesse ni les soirées entre copains : « C’est beau et c’est sain. » Ce qu’il vise, c’est l’inconscience d’un homme qui, une fois élu, refuse de changer de vie. On peut être le plus moderne des présidents, mais à trois heures du matin, on est censé dormir à l’Élysée, pas rentrer d’une virée en Ferrari, escorté par la rumeur.

Le ton se fait faussement paternel : si Giscard voulait vraiment continuer à vivre comme avant, « il n’avait qu’à ne pas aller contre l’avis de la moitié des Français ». Il a voulu le pouvoir, il en assume les contraintes : horaire, décence, exemplaire sobriété. À défaut, qu’« on demande à ce qu’on vous mette en garde à vue », écrit Manan, façon de rappeler que le président, en principe, est justiciable comme tout citoyen… ce que la pratique dément évidemment.

Sous la blague, une critique durable

Relu avec le recul, le papier de Jean Manan frappe par sa modernité. On y retrouve tous les ingrédients qui nourriront, des décennies plus tard, les polémiques sur la « normalité » des présidents et sur la confusion entre vie privée et responsabilité publique :
– la tentation de la presse généraliste de protéger le chef de l’État au nom du respect de la fonction ;
– l’usage par Le Canard de la satire pour remettre de la politique là où d’autres ne voient qu’un potin people ;
– la question, jamais réglée, de la maîtrise de la force nucléaire par un seul homme, soumis comme les autres à ses pulsions, ses fatigues, ses caprices.

Le fait que l’« affaire du laitier » soit restée longtemps à demi-mot, alimentée par des rumeurs sur l’identité de la passagère, ajoute une couche de comique grinçant. Tout le monde sait à peu près, personne ne sait vraiment, mais le surnom fait le tour des cafés : Folamour est entré à l’Élysée.

En 1974, Giscard se voulait la France moderne, technocratique, dépoussiérée. Jean Manan, lui, se charge de rappeler qu’il reste d’abord un homme, capable de laisser des traces de pneus et d’ego sur le bitume parisien. Entre la Ferrari et la mallette nucléaire, l’espace n’est pas si grand : c’est précisément dans ce virage-là que l’article s’engouffre, en rigolant fort pour mieux faire réfléchir.