N° 2849 du Canard Enchaîné – 4 Juin 1975
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Les pataugeurs du Lac, par Jacques Lamalle
Quand Bordeaux s’enfonce dans ses propres eaux troubles
Dans les coulisses de Bordeaux, les grands projets d’urbanisme tournent parfois à la gabegie. Autour du « Lac », Jacques Chaban-Delmas et ses proches multiplient initiatives, montages financiers et promesses de développement. Mais derrière les slogans, la réalité se résume à des dettes abyssales, des investisseurs floués et des arrangements entre amis. Le Canard décortique ici un naufrage urbain où l’ambition politique et les intérêts privés s’emmêlent joyeusement, au détriment du contribuable.
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Les pataugeurs du Lac
Chaban, Valade et l’art de transformer l’urbanisme en mare stagnante
L’article de Jacques Lamalle s’attaque avec une précision chirurgicale à un dossier bordelais qui illustre à merveille le mélange des genres entre ambitions politiques, urbanisme mal ficelé et finances publiques. En évoquant « Bordeaux-Lac », Lamalle met en lumière un projet censé transformer un désert en vitrine moderne, mais qui s’est vite mué en fiasco économique et en terrain fertile pour les arrangements douteux.
Au cœur de l’affaire, on retrouve deux figures : Jacques Chaban-Delmas, maire tout-puissant et ancien Premier ministre, et son fidèle suppléant, le doyen Valade. Ce dernier, pour séduire investisseurs et habitants, n’hésite pas à promettre un grand centre commercial et une opération immobilière d’envergure à Bruges, commune voisine. Résultat : des millions engloutis, des logements invendus, des acheteurs abusés, et surtout un gouffre financier estimé à plusieurs milliards d’anciens francs.
Lamalle insiste sur le caractère cyclique de cette débâcle : à chaque fois que l’échec devient trop criant, Chaban et son entourage trouvent une parade. Ici, la parade prend la forme d’une société d’aménagement, présidée – comble de l’ironie – par Chaban lui-même, qui rachète joyeusement les actifs plombés pour les remettre artificiellement à flot. C’est ce que le journaliste résume avec son ironie coutumière : Chaban prêtant à Chaban, en quelque sorte.
Ce que le Canard dénonce, ce n’est pas seulement la mauvaise gestion, mais la manière dont ces projets deviennent des outils d’influence et de clientélisme. Le maire de Bruges, Manaud, ami de Chaban, se retrouve opportunément propulsé conseiller régional et membre de la commission des Finances. Comme par hasard. Le contribuable, lui, n’a droit qu’à régler la facture de cette chaîne de faveurs et de renvois d’ascenseur.
L’article éclaire ainsi une mécanique bien huilée : transformer l’urbanisme en vitrine politique, détourner l’argent public pour éponger des erreurs privées, et distribuer des postes en guise de récompense. Derrière la légèreté du ton, c’est une critique sévère de la manière dont certains barons locaux utilisaient leur pouvoir municipal comme tremplin personnel et machine à fidéliser des alliés.
Avec « Les pataugeurs du Lac », Lamalle signe un texte où l’ironie mordante se met au service d’une démonstration claire : l’urbanisme bordelais, sous Chaban, patauge moins dans l’eau que dans le copinage et la dette publique.