N° 2864 du Canard Enchaîné – 17 Septembre 1975
N° 2864 du Canard Enchaîné – 17 Septembre 1975
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Le dur Henry
Dans Le Canard du 17 septembre 1975, Jean Manan dresse un portrait à la fois caustique et redoutablement documenté d’Henry Kissinger. Parti d’un quartier juif de Nuremberg pour devenir l’homme fort de la diplomatie américaine, Kissinger incarne à la fois l’ascension fulgurante de l’immigré ambitieux et les ambiguïtés d’une politique étrangère marquée par les coups tordus. Derrière le masque du prix Nobel, l’auteur révèle l’implacable stratège, artisan de paix sur le papier mais aussi complice des bombardements et des dictatures militaires. Un Kissinger double-face, tour à tour négociateur infatigable et « bourreau souriant » de l’empire américain.
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Le dur Henry
L’ascension d’un petit Heinrich devenu grand Henry
Jean Manan propose un récit qui joue sur le contraste : en 1935, Heinrich Kissinger est un enfant juif allemand persécuté à Fürth, en 1975 il est devenu le secrétaire d’État le plus puissant des États-Unis. L’ironie mordante de l’article réside dans cette trajectoire fulgurante, racontée à la manière d’une success-story américaine mais lestée d’ombres pesantes : le petit persécuté est devenu le praticien froid et méthodique de l’impérialisme.
L’auteur rappelle que Kissinger a été propulsé par son énergie hors du commun, son sens aigu de l’administration et sa capacité à intriguer dans les coulisses du pouvoir. Ses biographes lui prêtent du génie ; Manan préfère y voir un mélange de cynisme, d’habileté et de férocité. Kissinger apparaît ainsi comme l’héritier d’une certaine tradition européenne, réinventée à Washington : l’art de gouverner par la force, les alliances de circonstance et les jeux d’influence mondiaux.
Entre paix affichée et guerres occultes
Mais derrière le diplomate nobélisé pour ses négociations au Vietnam et au Moyen-Orient, l’article souligne l’homme des « petits pas » qui sont aussi ceux de la répression. Manan rappelle les bombardements du Vietnam, la chute d’Allende au Chili, la complaisance avec les dictatures militaires. Kissinger, prix Nobel de la paix, est aussi le stratège du sang versé, un « manipulateur féroce de mort » qui manie autant les bons mots que les bombardiers B-52.
Cette duplicité est au cœur de la critique : Kissinger n’est pas seulement un intellectuel brillant, c’est un homme d’action dont la pensée se traduit par une violence planifiée et assumée. La diplomatie devient, sous sa houlette, un théâtre où se jouent à la fois la paix négociée et la guerre souterraine.
Le paradoxe incarné de l’Amérique
Le commentaire de Jean Manan force à voir en Kissinger un symbole : celui d’une Amérique capable d’intégrer un réfugié juif et de l’élever au sommet, mais aussi celui d’un empire qui ne recule devant aucun compromis moral pour préserver sa domination. Dans ce portrait corrosif, Kissinger est à la fois l’enfant rescapé de Nuremberg et le bourreau souriant de l’impérialisme contemporain.