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N° 2977 du Canard Enchaîné – 16 Novembre 1977

N° 2977 du Canard Enchaîné – 16 Novembre 1977

19,00 

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La bonne cuisine au haut-fourneau…

En 1977, les de Wendel transforment la sidérurgie lorraine en cuisine de palace : l’État met le feu (avec nos impôts), la famille sert les dividendes. Nicolas Brimo raconte la grande “combine” du 18 novembre : dissoudre la vieille société familiale, scinder pertes et profits, et baptiser le tout “intérêt général”. Version officielle : vertu. Version Canard : camouflage. Bonus au dessert : 7,50 F par action, en hausse de 13,6 %, “plan Barre ou pas”. Au haut-fourneau, l’austérité finit souvent… dans l’assiette des autres.

Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix

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Canard au naturel
Canard en chemise

Chaque numéro ou journal anniversaire, peut être inséré dans une pochette cadeau au choix, d’un très beau papier pur coton, comportant une illustration originale spécialement réalisée pour COUAC ! par Fabrice Erre ou Laurent Lolmede, ou pour les premiers lecteurs du Canard Enchainé par Lucien Laforge.

Cette pochette cadeau assure aussi une conservation optimale du journal : un papier au PH neutre limitant la dégradation des vieux journaux sur la durée.

Décliné en 4 pochettes originales (5€)
Pochette offerte pour toutes éditions d’un prix supérieur à 59€
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Canard laqué

Enchâssé entre deux feuilles d’acrylique (plexiglass extrudé*) il s’exposera aux regards sous son plus beau jour.

Les propriétés anti-UV de ce plexiglass de 2 mm lui assureront une conservation optimale limitant le jaunissement.

Le maintien entre les deux plaques, avec 8 petites pinces nickelées, supprime la vue des plis ainsi que leurs effets indésirables. Les marges autour du journal sont de 2 cm et sont ajustées au format de l’édition, qui a varié au fil des décennies.

*Transparence, légèreté, résistance aux chocs et aux UV

Cette présentation est déclinée en 2 options :

Plexi transparent (30€) servant de fond, plus discret mais élégant il permet aussi la vision de la dernière page du journal.
Plexi noir (35€) servant de fond, il met en valeur la teinte et le format du journal, s’harmonisant parfaitement avec les encres noires de la page.

Les de Wendel, cette grande dynastie lorraine, ont un talent rare : transformer le haut-fourneau en four à petits-fours. Dans la Mare aux Canards du 16 novembre 1977, Nicolas Brimo raconte la scène comme un repas de famille à huis clos, nappé d’“intérêt général” et relevé d’un soupçon de contribuable.

Le 18 novembre, la tribu doit se retrouver “une dernière fois ensemble”, environ trois cents actionnaires triés sur l’arbre généalogique, pour bénir une “combine” montée avec le gouvernement : dissoudre la vieille société familiale et présenter au public une opération de grande vertu. L’argument de vitrine est simple comme une promesse électorale : on va scinder les activités en deux, séparer les filiales qui perdent de l’argent (celles que l’État renfloue depuis des lustres) de celles qui en gagnent. Bref, une cloison étanche entre la tôle froissée et le lingot.

Sauf que, dans l’assiette de Brimo, la cloison est surtout une feuille de papier sulfurisé : ça évite que le gras ne se voie, mais ça nourrit pareil.

La crise de l’acier, et l’opulence en sauce

Il faut se souvenir du décor : la sidérurgie européenne est en pleine indigestion. Chocs pétroliers, ralentissement, concurrence, surcapacités, plans de restructuration qui pleuvent sur la Lorraine comme des cendres froides. Dans cette ambiance, la sidérurgie devient un enjeu politique et social, donc un guichet. Et c’est là que l’article appuie où ça fait rire jaune : pendant que “l’État continue à subventionner généreusement, avec l’argent des contribuables, les hauts fourneaux du groupe lorrain”, le holding (la CLIF, déjà épinglée par Le Canard dans son numéro du 27 avril) trouvait le moyen de distribuer à ses heureux actionnaires plus de deux milliards d’anciens francs de dividendes en 1976.

La recette est diaboliquement française : on socialise la chaleur, on privatise la cuisson. Le contribuable souffle dans la forge, la famille se sert la tranche.

Le camouflage, sport national en bottes de luxe

La “version destinée au grand public” raconte une séparation stricte : d’un côté les pertes, de l’autre les profits. Brimo, lui, traduit : “les de Wendel, spécialisés dans les opérations de camouflage, sont brillamment parvenus à sauver leurs mises.”

Et la mise en scène est magnifique. On te rebaptise la marmite : “Compagnie Lorraine Industrielle & Financière”, avec un sous-titre d’Ancien Régime industriel (“Les Petits-Fils de François de Wendel & Cie”), et surtout le mot magique, celui qui désinfecte tout : l’intérêt général. On annonce la dissolution comme un acte de responsabilité, presque une œuvre de charité. Ça sent la vertu, ça luit, ça brille. Mais c’est de la plomberie : on dévie les tuyaux pour que la part rentable ne remonte plus à la surface du débat public.

Le Canard montre ainsi une bourgeoisie d’industrie qui a compris avant tout le monde le principe des cuisines modernes : l’extracteur de fumée. Tu fais griller fort, mais tu ne veux pas que le voisin voie le nuage.

“Menue monnaie” : le pourboire du haut-fourneau

Dans son encadré, Brimo sert le dessert, avec la précision d’un additionneur de restaurant qui a de la mémoire et de la rancune.

Avant de “se séparer sans regret” pour lutter contre une “légitime” campagne (le Canard, en gros), les Wendel accordent pour 1977 des dividendes “menues” : 4,50 francs par action, fiscal compris. Et, pour compléter le plateau, ils ajoutent 3 francs de provenance “Marine-Wendel”. Total : 7,50 francs par action.

Cerise sur la serviette : l’an dernier, ils s’étaient attribué 6,60 francs. Soit une hausse de 13,60 %. “Plan Barre ou pas”, conclut Brimo. Autrement dit : austérité pour les uns, apéro pour les autres. On serre la ceinture, mais pas au même cran, ni au même pantalon.

Le ver dans le fruit, ou l’allergie au mot “contrôle”

L’autre encadré (“Le ver dans le fruit”) raconte deux “incidents douloureux” à la dernière assemblée générale : d’abord, Le Canard qui publie les bénéfices de la famille (mauvais goût, vraiment). Ensuite, un frémissement de “gauchisme” quand on aborde la cogestion : une dizaine de “gauschistes” quittent ostensiblement la salle. Le trait est cruel : même chez les maîtres de forges, on a son petit théâtre. On joue à s’indigner… et on continue à encaisser.

C’est là que la satire mord le plus : le scandale n’est pas seulement l’argent, c’est la pédagogie du pouvoir. On veut que le public applaudisse la “séparation” comme une réforme morale, alors que l’opération ressemble à un grand rangement de cave : on met les casseroles cabossées côté rue, et les bouteilles millésimées côté jardin.

Ce que vise le Canard, au fond

Brimo ne fait pas un cours d’économie, il fait un constat politique : quand l’État arrose une industrie “stratégique”, il arrose aussi ses propriétaires. Et ceux-ci, loin d’être de simples passagers, savent tenir la barre, même quand le navire fait eau : ils changent de structure, de nom, d’étiquette, pour que la solidarité nationale reste un carburant… sans devenir une laisse.

La “bonne cuisine au haut-fourneau”, c’est ça : une société où l’on réussit à faire passer une addition privée sur une table publique, en ajoutant sur le menu le mot “Lorraine” et, en note de bas de page, “intérêt général”. Le tout servi chaud, payé froid.