N° 164 du Canard Enchaîné – 20 Août 1919
N° 164 du Canard Enchaîné – 20 Août 1919
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La première 10 HP Citroën passe sous l’Arc de Triomphe
Le 20 août 1919, Maurice Maréchal raconte dans Le Canard enchaîné un exploit mécanique en forme de farce : André Citroën, jeune industriel audacieux, a fait passer sa 10 HP sous l’Arc de Triomphe… à la vitesse de deux kilomètres à l’heure ! L’événement, présenté comme une prouesse, devient sous la plume du fondateur du Canard un récit burlesque, moquant la manie du record et l’appétit publicitaire du constructeur. Au milieu des décombres de la guerre, Maréchal rappelle avec humour que les Français, démobilisés et encore meurtris, avaient besoin de rire d’un moteur brinquebalant sous l’Arc plus que d’un nouveau défilé militaire.
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L’article « La première 10 HP Citroën passe sous l’Arc de Triomphe », publié en une du Canard enchaîné le 20 août 1919, est une petite pièce de satire délicieuse, typique du ton adopté par Maurice Maréchal. Sous couvert de reportage, le fondateur du journal tourne en dérision un événement qui aurait pu passer pour une démonstration technique sérieuse : le passage d’une Citroën 10 HP sous l’Arc de Triomphe.
Le contexte est important. À l’été 1919, la France sort à peine de la guerre, et Paris est saturé de cérémonies commémoratives et de défilés militaires. L’Arc de Triomphe, sanctuaire du patriotisme, vient d’être le théâtre de la grande parade du 14 juillet, célébrant la victoire. Quelques semaines plus tard, on y fait passer non pas des régiments, mais une automobile. L’effet comique est assuré, et Maréchal en joue avec brio.
Le récit se veut minutieux : André Citroën, piqué au vif par des plaisanteries de la presse, aurait préparé son « exploit » des heures durant, rafraîchi à l’aube et chronomètre en main. La performance ? Traverser l’Arc « à deux kilomètres à l’heure sans effleurer les piliers ». Présentée comme une prouesse, elle est aussitôt ridiculisée : « tout le monde se tordait », écrit Maréchal, les spectateurs mourant de rire à la vue de l’équipage bringuebalant.
La satire est double. D’une part, elle vise la publicité naissante : Citroën, qui allait bientôt couvrir Paris de son nom lumineux sur la Tour Eiffel, savait déjà manier l’art du coup médiatique. Maréchal l’égratigne, comparant son usine à « chez Nicolo » où « c’est toujours de plus en plus Ford ». D’autre part, elle moque la passion française pour les records absurdes, dérisoires au regard des vraies tragédies vécues par la génération de la guerre.
Le dessin accompagnant l’article – une voiture grotesquement cabossée sous l’Arc – achève la mise en scène. L’automobile n’est plus un symbole de modernité, mais un gag roulant. Maréchal conclut en insistant sur l’humilité de Citroën, qui promet d’autres exploits encore plus invraisemblables.
À travers cette chronique, Le Canard rappelle que l’après-guerre n’est pas seulement un temps de deuil et de cérémonies solennelles. C’est aussi une époque où les Français, fatigués, cherchent le rire et la légèreté. L’exploit mécanique devient ici une blague nationale, un antidote aux discours graves.
En somme, l’article du 20 août 1919 illustre à la perfection la mission que s’était donnée Maurice Maréchal : désacraliser, moquer, ramener les grands mots et les grandes mises en scène à des proportions humaines. L’Arc de Triomphe, temple du sérieux militaire, voit passer une Citroën brinquebalante : c’est toute la force du Canard enchaîné qui se lit dans ce renversement jubilatoire.





