N° 181 du Canard Enchaîné – 17 Décembre 1919
N° 181 du Canard Enchaîné – 17 Décembre 1919
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À l’ombre d’une jeune fille en pleurs
Dans son article « À l’ombre d’une jeune fille en pleurs », publié à la une du Canard déchaîné du 17 décembre 1919, Maurice Maréchal s’offre une parodie délicieuse de la prose proustienne. Sous couvert d’un récit galant dans un autobus, il détourne l’actualité littéraire du moment : l’attribution du prix Goncourt à Marcel Proust pour À l’ombre des jeunes filles en fleurs. Satire enlevée où l’auteur raille les travers du style proustien et moque la réception parfois houleuse du roman, ce texte illustre l’art du Canard à transformer les triomphes culturels en savoureuses caricatures.
Visite aux champs de bataille, dessin de Marcel Montagnier.
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L’article « À l’ombre d’une jeune fille en pleurs » de Maurice Maréchal, paru dans Le Canard déchaîné du 17 décembre 1919, est un exemple parfait de la manière dont le journal satirique savait détourner l’actualité littéraire pour en faire un objet de raillerie. Le 10 décembre, le prix Goncourt venait d’être attribué à Marcel Proust pour À l’ombre des jeunes filles en fleurs. C’était une consécration, mais aussi une source de polémiques, tant le style de Proust divisait. Maréchal s’empare aussitôt de l’occasion pour livrer une pastiche où l’excès d’émotion et de détails insignifiants tourne à la bouffonnerie.
Le récit met en scène un « monsieur d’un certain âge », mélancolique voyageur d’omnibus, qui croise une jeune fille éplorée. En bon confident improvisé, il recueille son chagrin, lequel se révèle aussi cocasse qu’inattendu : son fiancé l’a quittée parce qu’elle avait offert à son père… le roman de Proust. Là où l’écrivain sacralise la mémoire, l’amour ou la perte du temps, Maréchal transforme le tout en querelle domestique d’un grotesque désarmant : un père vexé, une fille incomprise, une rupture amoureuse — et tout cela causé par À l’ombre des jeunes filles en fleurs.
Le pastiche joue sur l’allongement des phrases, les dialogues entrecoupés, les lamentations interminables : autant de clins d’œil au style proustien, mais traités ici comme une logorrhée ridicule. Le texte déborde volontairement, à la manière de Proust, avant de se conclure sur une pirouette : l’inconnu se révèle être « Marcel Proust, lauréat du prix Goncourt », qui glisse sa carte de visite à la jeune pleureuse.
Par ce biais, Maréchal souligne à la fois le triomphe et l’absurdité de la situation. La littérature, célébrée par les académiciens, devient dans la satire du Canard un objet de discorde familiale et de ridicule social. Mais surtout, l’article témoigne du talent du journal pour ne laisser passer aucun événement sans le détourner de son sérieux apparent : qu’il s’agisse de politique, de diplomatie ou ici de culture, tout peut devenir matière à ironie.
« À l’ombre d’une jeune fille en pleurs » illustre ainsi le rôle du Canard déchaîné en 1919 : un contrepoint permanent aux discours officiels, où l’humour agit comme une soupape de liberté retrouvée après la guerre et la censure.





