N° 217 du Canard Enchaîné – 25 Août 1920
N° 217 du Canard Enchaîné – 25 Août 1920
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L’école des nouveaux riches – Le dîner en ville
En août 1920, Georges de La Fouchardière poursuit dans Le Canard enchaîné sa chronique féroce sur « l’école des nouveaux riches ». Après « la vie de château », il s’attaque cette fois au « dîner en ville », où les convives rivalisent de vanité, de maladresses ou de clichés mondains. Un manuel grinçant pour survivre aux fastes ridicules d’une bourgeoisie qui singe l’élite.
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Publié dans l’édition du 25 août 1920, l’article de Georges de La Fouchardière, Le dîner en ville, prolonge sa série consacrée aux travers des « nouveaux riches », ces parvenus de l’après-guerre qui, fortunes neuves en poche, veulent s’initier aux codes de la haute société. Après avoir ridiculisé leurs châteaux et leurs usages aristocratiques de pacotille, il passe à un autre rite incontournable : l’art du dîner mondain.
Dès les premières lignes, La Fouchardière détourne la logique mathématique pour tourner en dérision la prétendue science de la composition des tablées. En bon faux pédagogue, il calcule que tout dîner devrait logiquement compter deux fois plus de dames que de messieurs… mais qu’au final, le nombre reste à peu près équilibré. Une manière de montrer l’absurdité de ces convenances sociales qui prétendent se parer de rationalité.
La scène se déroule autour d’un convive type : celui qui, placé derrière vous, observe vos moindres gestes avec un air sévère, au point de troubler votre appétit. La Fouchardière croque avec verve ces portraits d’invités : le vaniteux qui veut briller en évoquant un collier de 150 000 francs ou un général à la mode, celui qui monopolise la conversation avec des anecdotes interminables, ou encore celui qui, faute de savoir finir une histoire, laisse l’assistance sur sa faim.
Les hôtes et hôtesses ne sont pas épargnés. Les maîtres de maison sont accusés de prolonger indéfiniment le repas, comme au théâtre, obligeant les convives à subir les discours et les jambes ankylosées. Quant aux maîtresses de maison, elles sont mises en garde : pas question de lancer une histoire scabreuse ou de donner des conseils dermatologiques à sa voisine de table, sous peine de ruiner la fragile « bonne tenue » de la soirée.
Le texte s’inscrit dans un contexte historique précis : en 1920, Paris revit ses fastes après la guerre. Les fortunes industrielles et commerciales, souvent liées aux marchés de guerre, rivalisent pour s’afficher dans les dîners, bals et réceptions. Mais ce monde de la représentation sociale est encore maladroit, et c’est cette gaucherie que Le Canard enchaîné exploite avec jubilation.
La charge de La Fouchardière dépasse toutefois la simple moquerie : elle dénonce une société où l’essentiel n’est pas la convivialité, mais l’ostentation et le calcul social. Derrière le rire, c’est une critique sociale cinglante, qui oppose la légèreté grotesque des salons au poids des difficultés quotidiennes du pays.