N° 548 du Canard Enchaîné – 29 Décembre 1926
N° 548 du Canard Enchaîné – 29 Décembre 1926
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Le réveillon s’est enfin déroulé entre Français
Dans Le Canard enchaîné du 29 décembre 1926, Vrali (probable pseudonyme de la maison) signe une chronique de réveillon au vitriol : “Le réveillon s’est enfin déroulé entre Français.” Sous couvert d’un reportage mondain, le journal moque l’autosatisfaction nationale et la xénophobie feutrée d’une bourgeoisie qui se félicite d’avoir “retrouvé la France”… dans ses restaurants de luxe. Entre satire sociale et ironie patriotique, Le Canard clôt l’année sur un éclat de rire grinçant : derrière le retour du franc fort de Poincaré, la bonne conscience et le chauvinisme ont remplacé la joie véritable de vivre ensemble.
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Le dernier numéro du Canard enchaîné de l’année 1926 se conclut sur une note à la fois festive et féroce. Sous le titre “Le réveillon s’est enfin déroulé entre Français”, le chroniqueur Vrali (probablement un pseudonyme collectif) livre une parodie de reportage gastronomique et patriotique, où l’humour cache une critique aiguë du climat social et moral de la France poincariste.
Le contexte est important : depuis le retour de Raymond Poincaré au pouvoir en juillet, la “stabilisation du franc” est devenue le mot d’ordre. Le pays, épuisé par la crise monétaire, voit dans la hausse du franc et la baisse des prix un signe de redressement. Dans ce climat d’autosatisfaction, les journaux bourgeois saluent la fin des “années folles” cosmopolites et la renaissance d’un patriotisme économique. C’est cette ambiance de repli national que Le Canard prend pour cible, en imaginant un réveillon où l’on se félicite de festoyer “entre Français”.
Dès les premières lignes, Vrali tourne en dérision le ton de la presse sérieuse :
“Grâce à la hausse du franc et à la baisse des denrées, on va enfin pouvoir réveillonner sans qu’il en coûte la fortune de Loucheur.”
Mais le prétendu “réveil économique” se réduit aussitôt à une caricature : les prix des soupers sont “d’une modestie à concurrencer les soupes populaires”, et ceux qui veulent du champagne doivent le payer “au prix de la carte, très peu majoré, il va sans dire”. Sous la feinte bonhomie, le Canard raille un discours officiel qui confond prospérité et illusion comptable.
Le cœur de l’article repose sur une scène comique : dans un restaurant parisien, un bourgeois satisfait, “rose et portant lunettes d’écaille”, savoure le plaisir de ne plus voir “ces gueules d’étrandgèrs aotour de moa”. Son voisin, tout aussi chauvin, lance : “Fife la Vrance aux Vranzaïs !” — grotesque accent censé imiter celui d’un patriote ivre de nationalisme. L’échange tourne à la farce absurde, où chacun rivalise de bêtise et de vanité. Puis, en clin d’œil final, l’auteur révèle : “Et modestement, tourné vers le public : — Ça, c’est Clément Vautel qui vous le dit.” L’allusion à Clément Vautel, célèbre chroniqueur conservateur et xénophobe, scelle la satire : Le Canard brocarde ici la presse réactionnaire qui exalte “le réveillon des vrais Français” contre les cosmopolites et les artistes étrangers.
La chute du texte ajoute un second degré savoureux : après avoir célébré ce réveillon “pur”, Vrali note que les convives distingués comptaient tout de même Ida Rubinstein, Joséphine Baker, les Dolly Sisters, l’Agha Khan, ou encore les Fratellini — autrement dit, les figures les plus cosmopolites de la scène artistique parisienne. L’ironie est parfaite : la France “entre soi” n’existe que dans les mots de ceux qui s’en vantent.
Sous le rire, c’est un vrai diagnostic social que livre Le Canard enchaîné. En décembre 1926, la France de Poincaré se congratule d’avoir retrouvé la stabilité monétaire, mais elle se replie dans une autosatisfaction provinciale, oublieuse de l’élan artistique et international qui faisait la vitalité des années folles. Vrali s’en amuse, mais son humour a la morsure du constat : la bourgeoisie française, rassurée sur le franc, a perdu tout sens du monde.
Entre satire de salon et chronique politique, ce “réveillon entre Français” sonne comme un bilan d’époque — et un antidote parfait à l’hypocrisie des lendemains de fête.





