N° 805 du Canard Enchaîné – 2 Décembre 1931
N° 805 du Canard Enchaîné – 2 Décembre 1931
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Un discours clair et net de M. Pierre Laval
Décembre 1931 : Pierre Laval, tout juste rentré de Washington, vante le “prestige de la France”. Le Canard enchaîné, lui, publie le “discours clair et net” du président du Conseil… mais à sa manière. André Dahl en livre une version parodique où chaque pays “déteste, vomit ou boude” la France, et où les ministres dorment ou trinquent pendant que Laval s’enflamme. Derrière le rire, un constat amer : dans un monde en crise, la France s’isole en proclamant sa grandeur. Le Canard démonte le verbe officiel — et prouve, à sa façon, que le vide peut aussi être “clair et net”.
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2 décembre 1931 : « clair et net », le monde entier nous déteste
André Dahl démonte, à la loupe du Canard, la rhétorique du “prestige français”
À la une du Canard enchaîné du 2 décembre 1931, André Dahl signe l’un de ces pastiches politiques dont il a le secret : un faux discours de Pierre Laval, alors président du Conseil, travesti en modèle de “clarté et de concision”. L’article porte un titre trompeusement flatteur — « Un discours clair et net de M. Pierre Laval » — avant d’en livrer la version satirique, un morceau d’humour au vitriol sur la diplomatie française et l’isolement international de la Troisième République.
Dahl commence par une pique immédiate : “La presse entière, plus indépendante que jamais, a félicité M. Pierre Laval du beau discours qu’il avait prononcé sur la situation générale.” Le Canard, toujours prêt à corriger la presse docile, se propose donc de le “publier in extenso”. Suit une parodie en forme de confession, où Laval “se vide devant vous, comme on disait dans [son] enfance, la poêle à marrons”.
Ce faux discours est un réquisitoire déguisé contre la diplomatie d’un gouvernement qui, sous couvert de prestige, accumule les humiliations. “L’Angleterre nous déteste”, “L’Italie nous vomit”, “L’Espagne nous hait”, “La Pologne nous boude”, “Les Balkans sont furieux”… pays après pays, Dahl dresse le bilan comique d’une France persuadée d’être au centre du monde mais devenue, à force de maladresse et d’arrogance, la cible universelle des moqueries. Chacune de ces déclarations se clôt sur la même antienne : “C’est clair et net.”
Le refrain, martelé jusqu’à l’absurde, transforme le discours en bégaiement bureaucratique : la “clarté” revendiquée n’est qu’un masque pour le vide du propos.
À travers cette mécanique du refrain, Dahl démonte le langage politique de son temps : celui des formules toutes faites, des grands mots creux et des certitudes patriotiques. Les images sont irrésistibles : Laval, pour chaque crise, convoque ses ministres comme on bricole un spectacle — “Maginot, prévenu, se colle un verre de plus dans le fusil et prononce un discours qui est un appel au massacre” ; Briand “dort”, mais reste ministre ; et, pour parfaire l’équilibre, le président du Conseil conclut en défenseur de “sa mère-patrie et de sa fille José”. Le trait devient féroce : la politique étrangère est ramenée à une farce de café-concert, où les grands mots (“horizon mondial”, “sincérité d’enfant”) ne masquent plus la confusion et la vanité.
Dans le contexte de l’automne 1931, la satire résonne particulièrement. Laval vient de rentrer d’un voyage à Washington où il a tenté, sans succès, de convaincre le président Hoover de rééchelonner les dettes de guerre. La presse conservatrice, embarrassée par cet échec, salue son “claire” politique. Le Canard, au contraire, voit dans cette rhétorique un symptôme de décadence : un gouvernement réduit à proclamer son prestige faute de pouvoir l’incarner.
Le monde, que Dahl décrit en bloc hostile, reflète en creux la peur d’une France affaiblie : crise économique, dévaluation du franc, montée des fascismes, morosité sociale. En caricaturant le discours de Laval, il met en lumière ce qu’il dissimule — la perte d’influence et la vanité d’une République qui se console en discours.
Et quand le faux Laval conclut, bravache : “Je défendrai jusqu’au bout ma mère-patrie et ma fille José !”, la satire atteint son apogée. Le patriotisme et le népotisme se confondent, la politique devient affaire de famille. Tout est dit — clairement et nettement.





