IL ÉTAIT TEMPS M. Félix GOUIN ordonne le blocage, par A. Breffort

On s’est enfin décidé, en haut lieu, à prendre, pour sortir d’une situation critique, la seule mesure raisonnable : le blocage. On bloque tout d’abord les salaires et le coût de la vie. De sorte qu’il sera, demain, impossible aux salaires de monter comme au coût de la vie de descendre. Double avantage.

Cette opération, qui doit donner tout apaisement au petit commerce, est désignée par les experts sous le nom de « montage de coût ». On bloque.

Les éternels mécontents en seront pour leurs frais – comme d’habitude – et tomberont sur un os. Pour tout dire, sur un bloc-os.

Une grosse quantité de vent vient d’être bloquée en vue de la seule nourriture des aérophages. Les pompes à vélo, que certains trafiquants vendaient à la sauvette en guise de casse-croûte, sont également bloquées. L’Association des Pétomanes professionnels s’est émue — bien à tort — proteste et fait savoir qu’elle va retourner sa vesse.

Dans la matinée d’hier, on a bloqué simultanément 23.708 coups de chapeaux alliés, 12 arrivages de fa dièse, 17 entrepôts de poignées de main en provenance d’Amérique, 2 convois d’interjections et 31.000 coups de pied au cul, grand module, demandés par Radar.

L’hiver est bloqué jusqu’au 21 mars. Un orateur qui débloquait a été conduit au bloc.

Le probloc a touché un, acompte. La situation s’améliore.

Les techniciens viennent de mettre au point un appareil bloquer. Il s’agit d’une espèce de tringle à élastique, montée sur chatterton et comportant une bague de coulisse piquée sur triple basane et réglée par niveau d’eau.

A. BREFFORT
Le Canard Enchaîné, 6 février 1946