N° 2834 du Canard Enchaîné – 19 Février 1975
N° 2834 du Canard Enchaîné – 19 Février 1975
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Du refroidissement au chômage central
Quand l’hiver social s’installe
Le 19 février 1975, Pierre Detif signe dans Le Canard enchaîné une chronique acide sur la montée inexorable du chômage. Derrière les chiffres officiels – déjà 800 000 demandeurs d’emploi – se profile un cap symbolique : celui du million. Tandis que Giscard et son ministre Fourcade affichent une sérénité de façade, syndicats et patrons redoutent une véritable explosion sociale. Le Canard démonte les illusions d’un pouvoir qui croit désamorcer la crise par des indemnités temporaires ou des statistiques arrangées. Mais l’hiver social est là : usines fermées, sidérurgie en crise, files de chômeurs qui s’allongent. Le « refroidissement » devient glaciation.
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Du refroidissement au chômage central
Le chômage, thermomètre d’une crise sociale
Dans son article du 19 février 1975, Pierre Detif capte l’un des moments charnières de la Ve République : la confrontation brutale entre la promesse d’un libéralisme triomphant et la réalité d’une économie qui s’enlise. Le titre, « Du refroidissement au chômage central », dit tout : la récession n’est plus un accident passager, elle s’installe au cœur du pays, transformant l’emploi en véritable champ de bataille politique et social.
Detif commence par souligner l’écart entre les discours officiels et la perception des travailleurs. Les autorités parlent encore de « seulement » 800 000 chômeurs, mais chacun voit bien que le cap du million est imminent. Derrière les chiffres, il y a les demi-chômeurs, les licenciés qui survivent grâce à leurs économies, les jeunes qui ne trouvent pas de travail. À force de minimiser, le gouvernement s’expose à un retour de flamme : lorsque les carnets d’épargne seront vides, prévient Detif, les mécontents « bougonneront moins et deviendront enragés ».
Le papier souligne aussi les contradictions patronales. Ferry, figure de la sidérurgie et du CNPF, dresse devant Fourcade un tableau sombre, tandis que le ministre continue de multiplier les assurances optimistes. Mais les usines ferment, la Lorraine s’enfonce, et les régions industrielles de Normandie ou de Valenciennes s’enlisent dans les semaines chômées. Loin des envolées élyséennes, l’économie réelle s’effondre et nourrit une colère sourde.
La satire vise également Giscard lui-même. Tandis que le président s’affiche au ski, souriant et décontracté, le pays s’enfonce dans la crise. L’image d’un chef d’État « insensible » contraste avec les files de chômeurs. Detif joue de cette opposition pour mettre en lumière l’aveuglement d’un pouvoir qui croit encore que le chômage peut se résoudre par des expédients financiers : indemnités spéciales, allocations temporaires. Mais chacun sait que ces mesures n’achètent que du temps, et que la véritable déflagration sociale viendra lorsque les aides s’épuiseront.
L’article rappelle aussi que le chômage n’est pas qu’un chiffre : il est un facteur politique. Derrière les statistiques, il y a des familles qui basculent, des ouvriers qui perdent leur statut, une société qui se fracture. Detif anticipe ainsi l’importance du chômage comme enjeu central de la vie politique française des décennies suivantes.
Enfin, le texte conserve la verve ironique propre au Canard. La pirouette finale – « Grâce à lui les prix monteront moins vite, les mauvais patrons seront éliminés, etc. Tu parles ! » – résume le scepticisme de l’hebdomadaire face aux promesses d’une crise « purificatrice ». Le chômage, loin d’assainir, révèle au contraire les failles d’un système incapable de protéger les plus fragiles.
En somme, cet article de Detif est autant une chronique sociale qu’un avertissement politique. En 1975, il diagnostique déjà la centralité du chômage dans le débat public français, et dénonce l’illusion d’un pouvoir qui préfère compter les chômeurs que leur offrir une perspective.