N° 2859 du Canard Enchaîné – 13 Août 1975
N° 2859 du Canard Enchaîné – 13 Août 1975
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Notre ami le Mobutueur – Ventrafrique : Giscard en chasse
Mobutu, « Mobutueur », dictateur zaïrois, et Bongo, président gabonais en perpétuel état de siège, occupent les colonnes du Canard en ce 13 août 1975. D’un côté, un ex-sergent formé par la CIA, accusé d’avoir fait disparaître Lumumba et d’autres opposants, couvert par le silence complaisant de Paris. De l’autre, un chef d’État barricadé dans son palais, transformé en forteresse financée par les millions de la rente pétrolière, sous l’œil bienveillant de Giscard. Deux portraits acérés de la Françafrique, où la sécurité présidentielle et les contrats pétro-nucléaires valent plus cher que les peuples soumis.
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L’édition du Canard enchaîné du 13 août 1975 offre une double plongée dans les arcanes troubles de la Françafrique. Les auteurs, plumes incisives, y dressent deux portraits parallèles de chefs d’État africains dont le destin est intimement lié à celui de Paris : Mobutu au Zaïre et Bongo au Gabon. Deux régimes autoritaires, deux clientèles françaises, une même logique : la défense des intérêts économiques et stratégiques hexagonaux, au mépris de la démocratie et des droits humains.
Dans « Notre ami le Mobutueur », Thomas rappelle le parcours sinistre de Mobutu : ex-sergent belge, vite recruté par la CIA qui fit de lui son protégé. Il est soupçonné d’avoir orchestré, avec l’appui américain, l’assassinat de Patrice Lumumba en 1961, crime fondateur de son pouvoir. L’article souligne le paradoxe d’un homme longtemps chéri par Washington, avant de prendre ses distances avec ses mentors tout en continuant à user des mêmes méthodes : exécutions sommaires, procès expéditifs, corps jetés au fleuve Congo. Le sobriquet « Mobutueur » condense à lui seul la critique : un despote sanguinaire, dont Giscard, en visite, tait les exactions au profit de contrats d’armement et d’uranium.
« Giscard en chasse » prolonge ce tableau d’une Françafrique verrouillée en décrivant Omar Bongo, président du Gabon, présenté comme l’« ami » de la France, mais surtout comme son obligé. Depuis l’assassinat du président tchadien Tombalbaye, Bongo vit dans la peur du coup d’État et transforme son palais en forteresse, gardé par des militaires français déguisés en barbouzes. Le Canard dépeint avec ironie ce président obsédé par sa sécurité et par ses finances personnelles : son « camp retranché » coûte des milliards, mais il n’oublie pas de transformer les voyages présidentiels en trafics lucratifs, rapportant en fraude viandes et pièces détachées. L’article montre l’ambivalence d’un homme à la fois protégé et otage de la tutelle française, surnommé par les industriels « président dix pour cent ».
Ce diptyque illustre le rôle ambigu de la France giscardienne : partenaire complaisant de dictatures africaines, justifiant son soutien au nom de la stabilité et de la lutte contre le communisme, mais motivé avant tout par le pétrole, l’uranium et l’influence diplomatique. Sous la plume du Canard, la satire souligne une vérité brutale : en 1975, les « amis » de la France en Afrique sont choisis pour leur utilité, non pour leur légitimité.