N° 2860 du Canard Enchaîné – 20 Août 1975
N° 2860 du Canard Enchaîné – 20 Août 1975
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L’amiante qui vous veut du mal
À La Coupiane comme à Jussieu, l’amiante s’invite dans les plafonds et dans les poumons. En 1975, Le Canard révèle comment ce matériau miracle, vendu comme inoffensif, libère en réalité des fibres cancérigènes, tandis que les experts et les autorités jouent la montre. Entre rapports rassurants, commissions qui traînent et industriels qui minimisent, les habitants et étudiants deviennent cobayes malgré eux. Dominique Durand dresse un constat glaçant : l’amiante, omniprésent dans les constructions modernes, est un poison à retardement dont la dangerosité, pourtant déjà documentée, est délibérément sous-estimée pour protéger des intérêts économiques.
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L'amiante qui vous veut du mal
L’article de Dominique Durand, publié dans Le Canard enchaîné du 20 août 1975, résonne aujourd’hui comme un texte prémonitoire. Il montre que, bien avant l’explosion médiatique du scandale de l’amiante dans les années 1990, certains journalistes et scientifiques alertaient déjà sur ses dangers mortels. Mais, en 1975, ces avertissements se heurtent à l’indifférence, à la désinvolture et aux manœuvres dilatoires des industriels et des pouvoirs publics.
Durand part d’un cas concret : une habitante d’une tour varoise dont le plafond en amiante s’effrite et la rend malade. Le diagnostic médical, relayé par un rapport d’hygiène, est clair : les fibres se détachent, se diffusent dans l’air, provoquant allergies et troubles respiratoires. Pourtant, rien ne bouge. L’appartement n’est pas déclaré insalubre et la commission censée trancher reporte sans cesse. L’affaire illustre un système où l’on préfère temporiser plutôt que d’admettre une menace sanitaire majeure.
Le journaliste élargit ensuite à un constat plus général. L’amiante, vanté pour ses propriétés ignifuges, est partout : dans les immeubles, les campus, les bâtiments publics. L’université de Jussieu est citée comme un cas emblématique : les plafonds floqués dégagent des poussières que des prélèvements indépendants révèlent inquiétantes, mais dont la direction et les autorités cherchent à minimiser la portée. L’épisode traduit une logique de dissimulation : on confisque les résultats gênants, on commande des études rassurantes, on s’abrite derrière l’incertitude scientifique pour retarder toute mesure.
Durand pointe également l’ambiguïté des experts officiels. Alors que l’OMS et l’EPA (Agence américaine de protection de l’environnement) classent déjà l’amiante parmi les polluants dangereux, les industriels français délèguent à des organismes « spécialisés » le soin de produire des rapports qui se veulent apaisants. Le lecteur comprend vite que derrière le discours technique se cache une volonté de protéger une filière économique plutôt que la santé publique.
Avec ironie, Le Canard conclut : en attendant qu’un responsable ait le courage de légiférer, les citoyens continueront à respirer des fibres invisibles, qui se rappelleront à eux dix, vingt ou trente ans plus tard sous forme de cancers incurables. C’est tout l’art du journal : dénoncer un scandale sanitaire imminent, longtemps avant qu’il n’éclate officiellement, en révélant l’ampleur de l’indifférence et du cynisme.