1985… AU PIS L’AN NEUF ?

(…) Revoir, figés dans des circonstances précises, les personnages qui ont fait l'actualité, chaque semaine, en croyant parfois faire l'Histoire. Jeu cruel : les personnages que le caricaturiste a torturés du bout de sa plume — avec ce plaisir raffiné que Mauriac enfant prenait à martyriser une mouche ces personnages, donc, sont encore plus marrants après que pendant : le recul fait ressortir le grotesque et le dérisoire.

Quels événements, quels hommes l'Histoire retiendra-t-elle de l'an 1985, cinquième année du règne de Tonton Ier ?

Au hit-parade des » têtes de Turcs » de nos dessinateurs, il y a, bien entendu, les grands anciens, les classiques (ou caciques), les permanents — ceux que l'on retrouvera en 1986. Tonton Ier, d'abord, toujours jupitérien, planant haut, en projet « Eurêka », au-dessus des vaines agitations des mortels. Et ceux qui aspirent à prendre sa place : Chirac, Barre et, là-bas au fond, Giscard... Mais les deux grands événements de 85 — qui se sont déroulés loin de la métropole, mais qui ne l'ont pas moins ébranlée — ont surtout mis en vedette deux grands boucs émissaires : Edgard Pisani et Charles Hernu. Le premier, chargé de faire accepter le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie, s'en est à peu près bien sorti : son étonnante capacité à encaisser les coups de pied quelque part l'ont sauvé de la trappe. Le second, Hernu, a été la victime expiatoire du sabotage du Rainbow-Warrior », à Auckland, au cours duquel nos services secrets — la DGSE — ont fait merveille. Pour couvrir Tonton et Fafa, Hernu s'est sabordé en donnant sa démission de ministre de la Défense. Grâce à cette démission, il est devenu le socialiste le plus populaire en France, et, du coup, le voilà futur candidat à la présidentielle. Non seulement nos caricaturistes n'ont donc pas perdu sa belle silhouette, mais ils ont gagné, dans affaire Greenpeace », un petit nouveau pour leur hit-parade : le brave général René Imbot, nouveau patron des services secrets, recrue d'autant plus intéressante qu'il est lui-même, physiquement, une caricature vivante...

En fait, 85 restera comme l'année d’avant 86 ». Elle s'achève sur le grand suspense : qui voudra cohabiter avec Tonton Ier, après les législatives ? Le bougre n'est pas facile à vivre, ce ne sont pas ses amis Fabius — si « troublé » par l'accueil à l'Elysée de Jaruzelski — et Jack Lang — si troublé par le kidnapping de la tour Eiffel au profit de l'Italien Berlusconi (encore un petit nouveau au hit-parade) — qui diront le contraire.

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Gabriel Macé - Les dossiers du Canard N°18  - décembre 1985 -