N° 109 du Canard Enchaîné – 31 Juillet 1918
N° 109 du Canard Enchaîné – 31 Juillet 1918
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MISTINGUETT et LUGNE dans « TARTUFFE », dessin de Lucien Laforge
« Concours d’échos pour L’Intran »
Le concours bat son plein : le Canard publie des pastiches envoyés par ses lecteurs. Entre satire des clichés patriotiques et moqueries des pleurnicheries journalistiques, ce numéro reflète l’énergie d’un lectorat complice. Ces échos montrent que la dénonciation du bourrage de crâne n’est pas seulement une affaire de rédaction, mais aussi de public éveillé.
Entre les confidences rocambolesques de Mistinguett, soudain transformée en espionne improvisée, et la parabole maritime de Marcel Arnac, c’est toute l’ambiguïté d’un été 1918 que reflète Le Canard enchaîné. Entre glamour, mission secrète et barque en perdition, le journal satirique dénonce, par la dérision et la métaphore, les flottements d’une société en guerre qui ne sait plus trop où voguer.
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L’édition du 31 juillet 1918 du Canard enchaîné juxtapose deux pièces singulières qui, à leur manière, traduisent la confusion d’une France au bord de l’épuisement, oscillant entre frivolité médiatique et méditation politique.
D’un côté, on trouve la vedette Mistinguett, reine du music-hall, sommée de clarifier une rumeur persistante : aurait-elle accompli une « mission secrète » à l’étranger, au service de la patrie ? Dans une lettre publiée par le Canard, elle dément fermement les exagérations, tout en laissant planer une aura romanesque sur son engagement supposé. L’article - Il faut mistinguer déclare Mlle Distinguett - ironise sur cette volonté de « distinguer » à tout prix la star, jusqu’à confondre espionnage, patriotisme et publicité personnelle. Le journal satirique épingle cette mise en scène où Maurice Chevalier est convoqué comme témoin de moralité, tandis que le frère de Mistinguett endosse le rôle de compagnon d’ombre. Bref, plus qu’une mission d’État, l’affaire ressemble à une opération de communication.
À côté de ce théâtre mondain, la plume de Marcel Arnac propose une allégorie autrement plus grave : une barque ballottée par la tempête, où chaque passager propose sa solution, ses ordres, ses cris, tandis que le vieux loup de mer, seul silencieux, médite sur une autre embarcation… la France, secouée depuis quatre ans par la guerre et ses errements politiques. La métaphore, simple et puissante, met en relief l’impuissance des dirigeants et la cacophonie des conseils. On y retrouve l’humour amer d’Arnac, dessinateur et écrivain, qui sait traduire dans une image frappante l’état d’un pays las de naviguer à vue.
La juxtaposition des deux articles révèle tout l’art du Canard enchaîné en 1918 : alterner satire légère et critique profonde, donner à rire tout en incitant à réfléchir. Mistinguett incarne l’obsession médiatique pour les vedettes et la diversion dans un climat d’angoisse ; Arnac, lui, ramène brutalement le lecteur à la guerre, en montrant une France qui, si elle ne coule pas, n’arrive toujours pas à accoster.
En somme, cette édition illustre l’équilibre délicat d’un journal qui, dans la tourmente de 1918, savait manier autant le strass des music-halls que la métaphore politique, sans jamais perdre de vue sa mission satirique : éclairer les zones d’ombre par la dérision.





