N° 12 du Canard Enchaîné – 20 Septembre 1916
N° 12 du Canard Enchaîné – 20 Septembre 1916
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Les deux écoles
Dans son numéro du 20 septembre 1916, le Canard enchaîné se penche sur la figure du propriétaire, en opposant « le bon » et « le mauvais ». Derrière le pseudonyme Henry de la Ville-d’Avray, Maurice Maréchal dresse un double portrait satirique : d’un côté, un patron boulanger devenu petit propriétaire compatissant ; de l’autre, un « Probloc » rapace, qui exploite ses locataires mobilisés et menace les familles restées seules. Entre caricature sociale et pamphlet, ce feuilleton illustre l’art naissant du Canard : mêler humour, indignation et fable morale pour dénoncer les inégalités de l’arrière en pleine guerre.
L’inconsolable, dessin de Manfredini
ancienne trace d’humidité n’affectant pas la lecture
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
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Sous la signature ironique de « Henry de la Ville-d’Avray », Maurice Maréchal publie dans le numéro du 20 septembre 1916 un long feuilleton intitulé « Les deux écoles ». Le texte confronte deux figures du propriétaire, symbole de la petite bourgeoisie de l’arrière. D’un côté, le bon proprio, ancien ouvrier boulanger monté en grade socialement, qui fait preuve de générosité à l’égard des familles de mobilisés. De l’autre, son exact opposé, le mauvais Probloc, rapace sans scrupules, caricature de l’usurier ventripotent, armé d’un revolver et obsédé par ses loyers.
Le contraste est savamment accentué par la narration et les illustrations. Le « bon » sourit, chante et finit mitron dans la bonne humeur, glissant parfois une pièce dans la main d’un enfant ; le « mauvais », lui, installe sa famille dans la loge de concierge après avoir expulsé sans vergogne, et se fait afficher dans la rue comme « le cochon » du quartier. La satire culmine avec les « Commandements du proprio », parodie biblique qui énumère les maximes cyniques d’un propriétaire de malheur : « Ton locataire étrangleras / En quatre termes et trois mouvements ».
En filigrane, le texte traduit la mission que se donne le jeune Canard : pointer les injustices sociales de l’arrière pendant que les poilus meurent au front. Les « bons » et « mauvais » propriétaires sont moins des personnages que des archétypes, conçus pour révéler une fracture béante entre solidarité populaire et rapacité bourgeoise. Derrière l’humour et l’exagération, une critique sociale affûtée : en 1916, la guerre ne fait pas que des héros, elle révèle aussi des profiteurs.
Avec ce feuilleton, Maréchal installe son journal dans une double tradition : le rire qui dénonce, et la caricature sociale héritée des grands pamphlets du XIXᵉ siècle. Le Canard enchaîné n’a pas encore un an qu’il sait déjà tirer au clair les travers de son temps avec verve et férocité.