N° 123 du Canard Enchaîné – 6 Novembre 1918
N° 123 du Canard Enchaîné – 6 Novembre 1918
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Réponse de Palmippe VII à Piferrant de Grenouillerie
Quand Henri Béraud s’amuse à pasticher une guerre de basse-cour, cela donne une farce monarchique où les canards s’affublent de titres princiers et disputent leur trône au milieu des grenouilles et des dindons. Sous couvert d’animaux bavards, c’est toute la cacophonie de la politique française qui se trouve renvoyée aux mares. À quelques jours de l’armistice, l’humour féroce du Canard dévoile encore une fois la vérité par le rire.
La colombe – Au moment où la paix se profile, Gassier signe une caricature de colombe, mi-moqueuse, mi-espérée. L’oiseau tant attendu devient une nouvelle cible : trop lente à venir, trop fragile, elle incarne l’exaspération des lecteurs fatigués par quatre ans de guerre.
Inquiétude, dessin de Jif – En faisant la guerre, dessin de Raoul Guérin –
Couac ! propose ses canards de 3 façons au choix
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🪶 L’article de Béraud du 6 novembre 1918 poursuit une série de fables animalières où Palmippe VII, prétendant au « trône des Canards », répond à son cousin Piferrant de Grenouillerie. Derrière la mise en scène cocasse d’une basse-cour en révolution, le lecteur devine une parabole politique : l’effervescence parlementaire, les intrigues de partis et la valse des ambitions, transposées en querelles d’étang.
Le procédé n’est pas neuf — La Fontaine s’était déjà servi des animaux pour égratigner les puissants — mais Béraud le pousse ici à une exubérance jubilatoire. Les grenouilles renversent les canards, les dindons caquettent, les poussins « baisecroupions » se prosternent, et les autruches craignent de voir tomber leur sceptre. Chaque bête a son équivalent politique, et les allusions aux personnalités de l’époque sont transparentes pour les lecteurs de 1918 : les factions monarchistes, les tenants de l’Action française, les parlementaires trop complaisants. Même Charles Maurras et Léon Daudet, croqués en « bélîtres » abominables, ne sont pas épargnés.
Sous la fantaisie, Béraud règle des comptes sérieux : il fustige la lâcheté de ceux qui insultent les combattants tout en paradant à l’arrière, et raille le cérémonial creux des idéologues en mal d’influence. Le décor grotesque de la mare aux canards permet d’exprimer une critique mordante sans didactisme pesant. C’est tout l’art du Canard enchaîné : détourner les codes du bestiaire pour mieux faire ressortir le ridicule des discours officiels.
À quelques jours de l’armistice, ce texte prend une résonance particulière. Alors que les diplomates préparent la fin de la guerre, Béraud rappelle que les querelles d’égo et les intrigues partisanes continuent leur vacarme, indifférentes au sang versé. Derrière l’absurde chahut de Palmippe et de ses cousins, c’est la France politique qui apparaît comme une basse-cour agitée, incapable de se hisser à la hauteur du sacrifice des poilus.
Avec cette chronique, Béraud prouve qu’il sait manier à la fois le rire et la gifle. En apparence, ce n’est qu’une fantaisie d’étang ; en profondeur, c’est une dénonciation impitoyable du décalage entre l’héroïsme du front et la médiocrité de l’arrière. Le choix du 6 novembre 1918 n’est pas anodin : au moment où l’Histoire s’apprête à tourner la page de la guerre, le Canard choisit de rappeler, par l’humour, que les vieilles habitudes politiques, elles, ne désarmeront pas si vite.

 
      



