N° 128 du Canard Enchaîné – 11 Décembre 1918
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Le problème de la démobilisation
Démobiliser une armée de plusieurs millions d’hommes : casse-tête ou partie de campagne ? Dans son style ironique, Victor Snell démonte le sérieux compassé des autorités, qui transforment une évidence en problème « d’une extrême gravité ». Sa solution ? Aussi simple que désarmante : dire aux soldats de rentrer chez eux ! Mais en 1918 comme aujourd’hui, l’administration préfère compliquer ce qui pourrait être limpide.
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Avec l’armistice du 11 novembre 1918, une nouvelle question brûlante s’impose : que faire de tous ces millions de poilus encore sous les drapeaux ? Dans son article à la une du 11 décembre, Victor Snell prend un malin plaisir à montrer comment un sujet évident devient un « problème » dès lors qu’il passe entre les mains de la bureaucratie française.
Tout commence par une rencontre avec le fameux M. Deschamps, haut fonctionnaire appelé à donner des gages de sérieux. Aussitôt, la presse et l’opinion, écrit Snell, se pâment : il s’agit d’un « problème extrêmement difficile ». Voilà qui est rassurant : plus le ton est grave, moins on trouve de solution.
Mais Snell, feignant la naïveté, a son idée : la démobilisation n’est rien d’autre que l’inverse de la mobilisation. Puisque, en août 1914, chaque soldat a reçu une feuille indiquant son trajet vers le front, il suffirait aujourd’hui de distribuer une feuille inverse : « ordre est donné au soldat X de rentrer dans son foyer ». Clair, net, précis. Même l’indication « 3e jour, 5e jour » pourrait être conservée pour éviter l’embouteillage des trains. Voilà un « œuf de Christophe Colomb » qui fait sourire par sa logique élémentaire.
Et pourtant… trop simple pour être admis ! Car si la guerre exigeait de la complication, pourquoi la paix devrait-elle être simple ? Snell croque alors l’hésitation administrative : « Mais, précisément, ne serait-ce pas trop simple ? » Comme toujours, le ridicule éclate dans la disproportion entre le bon sens populaire et les minauderies technocratiques.
Au fond, l’article met en scène la vieille antienne de l’esprit français : nous savons transformer le plus limpide des gestes en un labyrinthe paperassier. Entre humour et exaspération, Snell suggère que nos gouvernants, plutôt que de trouver des solutions, préfèrent « embêter un peu leur monde » – question de tradition nationale.
Ce texte, qui joue de l’absurde avec jubilation, reflète bien l’état d’esprit de décembre 1918 : entre impatience des soldats à rentrer et manie des autorités à « gérer », il fallait bien que le Canard s’empare de la contradiction. Démobiliser ? Oui. Mais à condition que ce soit assez compliqué pour ressembler à une vraie victoire administrative.
Dans les bégonias, par Henri Béraud
Ce texte satirique de Henri Béraud semble critiquer de manière humoristique le concept de reconnaissance des mérites durant la période de l'après-guerre. Béraud ironise sur l'idée de récompenser ceux qui ont contribué à la victoire, en particulier les "Bourreurs de Crânes", c'est-à-dire les propagandistes. Il souligne l'absurdité de la glorification de certains individus et l'oubli possible de ceux moins célèbres mais tout aussi méritants. À travers l'exemple fictif de Raoul Cinoh, journaliste provincial, Béraud met en lumière l'injustice potentielle qui pourrait découler de la sélection des personnes à honorer. Il insiste sur la valeur intrinsèque de ceux qui, même peu connus, ont contribué à l'effort de guerre.Le ton ironique et cynique souligne l'hypocrisie et les injustices possibles dans la reconnaissance officielle des mérites. Béraud semble mettre en garde contre le risque de favoritisme et d'oubli des contributions moins visibles mais tout aussi importantes. En fin de compte, il questionne la notion de justice dans la reconnaissance des mérites et exprime un scepticisme quant à la capacité de la société à faire des choix justes et équitables.





