N° 1496 du Canard Enchaîné – 22 Juin 1949
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Les juges d’instruction s’efforcent de parfaire la leur
M. Robert Lecourt, garde des Sceaux, a pris une initiative dont nous ne pouvons — une fois n’est pas coutume — que le féliciter. Il a décidé, en effet, de procéder à l’instruction… des juges d’instruction.
Depuis plusieurs jours, une trentaine d’entre eux suivent, à Paris, des cours destinés à parfaire leur expérience.
On leur a montré, notamment, comment on fait dérailler un train, comment on empoisonne son prochain, comment on simule la folie, comment on tente de commettre le crime parfait.
Tout juste si on ne leur a pas fait découper une rentière en menus morceaux ou si on ne les a pas contraints à participer à l’attaque d’une banque et à un règlement de compte entre gens du milieu.
Bravo, monsieur Lecourt !
Ainsi vous aventurez-vous à combattre la routine et la théorie. Grâce à vous, nous aurons désormais des magistrats qui la connaîtront dans les coins et pourront, au besoin, en remontrer aux gangsters les mieux doués.
Mais il ne faut pas s’en tenir là sur le chemin de l’éducation professionnelle.
Nous sommes convaincus que les juges d’instruction recevront aussi d’autres leçons qui leur permettront de parfaire également — quand la chose sera nécessaire — leur inexpérience… On leur apprendra, par exemple, à étouffer en moins de deux les affaires susceptibles de compromettre la stabilité gouvernementale. On leur expliquera la meilleure manière de faire disparaître à jamais les dossiers scabreux.
On leur enseignera le maniement de l’éteignoir à bon escient et les mille et une façons de ne pas arrêter les malfaiteurs, les prévaricateurs, les policiers marrons, les mandataires aux Halles et les amis des puissants du jour.
Lorsque Thémis sera capable de discerner le vulgaire malfrat du malfrat supérieur, nous aurons enfin une justice à qui on ne risquera plus de reprocher son impartialité suspecte.
Mais dont on pourra, en revanche, apprécier la bonne volonté.
Cet article utilise un ton ironique et satirique pour critiquer l’initiative de former davantage les juges d’instruction, en suggérant que ces cours leur enseigneraient des méthodes douteuses et moralement ambiguës, voire illégales. Roger Salardenne se moque de l’idée d’améliorer le système judiciaire de cette manière, tout en critiquant l’influence politique sur la justice.
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