N° 152 du Canard Enchaîné – 28 Mai 1919
N° 152 du Canard Enchaîné – 28 Mai 1919
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Les grandes enquêtes du « Canard » : LE VOTE DES FEMMES
Truculent article de Whip sur ce sujet qui restera longtemps d’actualité, jusqu’à son avènement en 1945. La mesure est pourtant adoptée à l’Assemblée Nationale, mais rejetée par le Sénat en 1922. Le Canard, lui, défend le vote des femmes. En 1919, les femmes françaises n’ont toujours pas le droit de vote, malgré leurs sacrifices pendant la guerre. Dans Le Canard enchaîné du 28 mai, Whip se lance dans une enquête ironique : il interroge bourgeoises, grisettes, femmes du monde et vendeuses de magasin. Les réponses oscillent entre coquetterie, naïveté, bon sens ou cynisme, révélant autant de clichés que de vérités sociales. Derrière la légèreté du ton, une critique grinçante : le suffrage féminin, tourné en dérision par certains, reste une question brûlante que la société française n’ose pas trancher.
Dessin de Lucien Laforge
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Sous la plume de Whip, Le Canard enchaîné du 28 mai 1919 s’attaque à un sujet explosif : le droit de vote des femmes. La guerre vient de se terminer, les femmes ont travaillé dans les usines, assuré la subsistance du pays, remplacé les hommes dans d’innombrables tâches — et pourtant, la République leur refuse toujours le suffrage. Dans ce contexte, Whip mène une « enquête » à sa manière, entre satire et reportage imaginaire.
Il commence par camper la scène : interroger des femmes de milieux divers sur ce que changerait, selon elles, l’accès au vote. Les réponses sont rapportées avec un humour féroce, qui joue des stéréotypes. Une « jeune fille de la bonne bourgeoisie » s’enthousiasme : « Quand des femmes voteront, ce sera parfait. Alors on n’aura que des députés jeunes, beaux et bien habillés. » La politique se réduit à une affaire d’élégance masculine. Une « hétaïre » déclare quant à elle qu’elle votera pour son amant, « lieutenant de dragons », parce qu’il est « chic avec son monocle et son képi-polo ». D’autres encore se rangent à l’avis de leur curé ou de leur mari, montrant combien le suffrage féminin est imaginé sous tutelle.
Mais Whip ne se contente pas de moquer. Certaines répliques, qu’il rapporte, contiennent une critique plus acérée. Une femme affirme que les hommes sont indignes de voter, rappelant l’affaire Landru pour tourner en ridicule leur prétendue supériorité morale. Une autre, plus revendicative, assure que les femmes « ne feront pas plus mal que les hommes, parce qu’elles sont moins gourdes » et qu’elles obtiendront enfin des lois « pour nous ». Ici, le ton léger se teinte de féminisme revendicatif, même caricaturé.
La fin de l’article est révélatrice : une vendeuse interpelle le narrateur, lui rappelant que « les femmes font ce qu’elles veulent » et que, vote ou pas, « elles vous mèneront par le bout du nez ». Le propos renverse la perspective : si les hommes s’illusionnent sur leur supériorité politique, les femmes détiennent déjà un pouvoir social, intime, qui échappe aux urnes.
En 1919, alors que plusieurs pays (comme la Grande-Bretagne en 1918, l’Allemagne ou l’Autriche) avaient accordé le droit de vote aux femmes, la France faisait figure de retardataire. Le Canard capte cette tension, mais choisit la voie de la satire : plutôt que de plaider sérieusement pour le suffrage féminin, Whip en expose les contradictions sociales, les préjugés et les arguments absurdes.
Pour les lecteurs de l’époque, cet article devait fonctionner comme un miroir déformant : on riait des clichés, des femmes réduites à voter pour la beauté des députés, mais on percevait aussi l’absurdité de leur exclusion du corps électoral. La légèreté du ton n’effaçait pas le sérieux de la question : pourquoi, en 1919, la France se refusait-elle encore à accorder aux femmes un droit élémentaire ?
En somme, « Le vote des femmes » est une parodie d’enquête qui révèle, sous l’ironie, les tensions d’une société incapable de reconnaître aux femmes un rôle politique officiel, alors même qu’elles en tenaient déjà un dans la vie quotidienne.





