N° 1539 du Canard Enchaîné – 19 Avril 1950
N° 1539 du Canard Enchaîné – 19 Avril 1950
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Nous cessons notre campagne en faveur de l’eau
Le dernier numéro du « Canard » a suscité une vive émotion dans toute la France en raison de la position que nous avions prise en faveur des buveurs d’eau.
Position inattendue, bien sûr, de la part d’une équipe dont on croyait, jusqu’ici, qu’elle s’abreuvait exclusivement de bons vins, d’apéritifs et de cocktails.
Aussi avons-nous reçu d’innombrables lettres de protestation indignées, nous sommant de faire notre « mea culpa » dans le plus bref délai.
Nous y consentons d’autant plus volontiers que nous avons été les premiers surpris de lire notre prose mercredi matin. Ce fut même une consternation générale à la rédaction, surtout quand, de notre balcon, nous avons constaté que le « Vieux Saumur », notre cher « Vieux Saumur », avait mis en berne tous les drapeaux que nous y avions plantés au cours des semaines précédentes.
— Bon sang ! s’exclama Grosrichard en se mettant une compresse de Martini froid sur le crâne, fallait-il qu’on soit ronds pour élucubrer des idées pareilles…
— C’est simple, gémit Breffort, nous sommes déshonorés.
Et de vider à la régalade un flacon de cognac histoire de se remonter le moral.
Nous décidâmes, sur-le-champ, de nous réunir en assemblée générale extraordinaire dans le but d’établir les responsabilités.
Ce fut une émouvante séance d’auto-critique. Chacun de s’accuser soi-même.
— J’avais trop forcé sur le julienas, balbutia Gabriel Macé. Je ne savais plus ce que j’écrivais.
— Moi, avoua Monier, j’avais un peu insisté sur le cabernet, je ne savais plus ce que je dessinais.
Inconsolable, Henri Rochon pleurait à chaudes larmes.
Et il ne fallut pas moins de quinze verres de pastis pour empêcher Lap de se jeter par la fenêtre.
Bref, nous sommes désespérés. Toutefois, nous jurons sur Saint-Raphaël et Saint-Zano, de ne jamais récidiver.
On se cuite encore, évidemment, mais à chaque biture, on désignera l’un d’entre nous, à tour de rôle, pour veiller sur les autres et les empêcher de faire l’apologie de l’eau ou du coca-cola. Notre ami ne devra pas boire, pendant toute la durée de sa fonction, plus d’un litre de pinard.
Quitte à apaiser sa soif « ad libitum » quand le numéro du « Canard » sera sorti des presses.
Et, naturellement, nous interrompons définitivement la publication des « Mémoires de Robinet », cet odieux buveur d’eau.
À la bonne vôtre !
L’article reflète bien le ton humoristique et satirique caractéristique de Roger Salardenne et du Canard enchaîné, qui caricature ici une fausse campagne en faveur de l’eau et l’abandon forcé de cette idée au profit de l’apologie du vin et des spiritueux.
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