N° 1549 du Canard Enchaîné – 28 Juin 1950
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Un article scandaleux du « Monde »
On aura tout vu.
Voilà que « Le Monde », qui passait jusqu’ici pour un journal sérieux, pouvant être dans toutes les mains et reflétant la pensée du gouvernement (pour autant que le gouvernement ait une pensée), voilà, dis-je, que « Le Monde » demande qu’on évacue l’Indochine !
On assure que M. Letourneau, ministre de la France d’outre-mer, en parcourant samedi après-midi l’article de M. Duverger, a failli prendre un coup de sang.
Et que M. Vincent Auriol lui-même, qui venait justement de présider une conférence sur l’Indochine, s’est écrié, en frappant du poing sur la table : « Cet article est criminel ! ».
M. Duverger ne va-t-il pas en effet jusqu’à qualifier d’absurde la guerre d’Indochine ? Et jusqu’à insinuer que nous n’avons plus rien à défendre là-bas que les intérêts des trafiquants de piastres ?
C’est vraiment, on l’avouera, « Le Monde » à l’envers.
Devant cette attitude scandaleuse et inexplicable d’un journal jusqu’ici insoupçonnable, « Le Canard » a décidé de relever le flambeau du Droit et de la Civilisation, que vient si malencontreusement de laisser tomber « Le Monde ».
C’est nous, désormais, qui serons le journal sérieux et officieux.
Pour commencer, nous publions aujourd’hui un résumé de la véritable situation en Indochine :
1. Tout va très bien là-bas, la victoire est certaine ;
2. Cette guerre ne coûte pas un sou au contribuable français ;
3. S.M. l’Empereur Bao Dai est un républicain sincère et un grand ami de la France : il vient de le prouver en se retirant chez nous après fortune faite ;
4. Les trafiquants de piastres sont de parfaits honnêtes hommes ;
5. Il n’y a pas de trafic de piastres.
R. Tr.
Dans cet article, R. Tréno se moque ouvertement de la réaction outrée du gouvernement et du Monde face à l’article de M. Duverger, qui dénonçait la guerre d’Indochine. Tréno souligne avec ironie la réponse excessive du ministre Letourneau et du président Vincent Auriol, tous deux scandalisés par les affirmations de Duverger, qui qualifiait cette guerre d’absurde et insinuait que la France ne défendait plus que les intérêts des trafiquants de piastres en Indochine.
L’ironie de Tréno est évidente lorsqu’il propose de remplacer Le Monde en tant que « journal sérieux », en présentant un résumé caricatural de la situation en Indochine, où tout va pour le mieux, où la guerre est financièrement neutre pour les contribuables, et où même les trafiquants de piastres sont des hommes honorables. Ce commentaire acerbe dénonce la cécité volontaire des autorités françaises face aux réalités d’une guerre coûteuse et moralement condamnable, tout en ridiculisant la presse officielle qui, selon lui, se plie à la propagande gouvernementale.
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