L’article «Au cours d’une émouvante cérémonie, Le lampiste a transmis ses pouvoirs au manœuvre léger» de Roger Salardenne, publié dans Le Canard enchaîné du 5 juillet 1950, met en scène une transition symbolique où le « lampiste », figure traditionnelle du bouc émissaire dans la société, transmet ses fonctions au « manœuvre léger ». Ce dernier, une sorte de version modernisée du lampiste, incarne un nouvel archétype des Français dans un contexte où les responsabilités se diluent et où la faute est facilement reportée sur des individus « interchangeables ».

Le « manœuvre léger » ne remplace pas seulement le lampiste, mais représente une évolution de cette figure de victime expiatoire. Alors que le lampiste était celui à qui l’on faisait porter le chapeau des erreurs, souvent de manière injuste, le manœuvre léger symbolise une génération plus moderne, agile et adaptable, mais tout aussi sujette aux abus des structures hiérarchiques. À travers cette succession, Salardenne critique avec une ironie mordante, la continuité des injustices sociales et professionnelles dans un monde en mutation.

La cérémonie fictive de transmission des pouvoirs, avec son ton pompeux et absurde, souligne le ridicule des stratifications sociales et professionnelles dans lesquelles la responsabilité n’est jamais pleinement assumée par les véritables décisionnaires. Le manœuvre léger, loin d’incarner une amélioration, semble perpétuer les injustices du système, avec un vocabulaire technocratique qui cache mal la précarité de la situation des classes laborieuses. La mention des salaires ou du travail aux « économies d’aile de mouche » renforce cette idée d’une dérision des conditions de travail.

Salardenne peint ainsi une société où les figures évoluent, mais où les inégalités et les stratégies de déresponsabilisation persistent, incarnées par cette nouvelle figure, plus « légère », du manœuvre.