N° 1652 du Canard Enchaîné – 18 Juin 1952
N° 1652 du Canard Enchaîné – 18 Juin 1952
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Dans l’article « La grande parade des p’tits soldats », publié dans Le Canard enchaîné du 18 juin 1952, Morvan Lebesque livre une critique acerbe des commémorations militaires, où le pathétique côtoie l’absurde. Usant de son style mêlant ironie et gravité, il s’interroge sur la fascination récurrente pour les cérémonies glorifiant les anciens combattants, tout en soulignant l’écart entre la réalité tragique des guerres et leur mise en scène grandiloquente.
Lebesque commence par évoquer une soirée prévue aux Invalides, une « fête de nuit » où théâtre et chansons viendront distraire les poilus survivants. Si le programme semble séduisant, il s’empresse d’égratigner ce type de spectacles, qu’il associe à une perpétuation artificielle d’un héroïsme dépassé. Il compare cette célébration à une opérette, une représentation théâtrale où les anciens héros, affublés de médailles et de rhumatismes, deviennent des figurants d’une mise en scène déconnectée de la violence réelle qu’ils ont vécue.
L’auteur n’hésite pas à plonger dans ses souvenirs personnels pour évoquer sa propre enfance, marquée par la guerre. Il raconte avec émotion les images de soldats meurtris revenant de la Marne ou de Verdun, des « paquets de boue ambulants » porteurs d’un silence assourdissant. À travers ces anecdotes, Lebesque fait ressortir le contraste entre l’horreur intime des conflits et leur transformation ultérieure en matière de folklore national.
Il s’attaque ensuite à la manière dont les guerres, une fois éloignées dans le temps, se métamorphosent en objets de dérision et de spectacle. « Toutes les guerres naissent en fanfare et meurent en chansons », assène-t-il, dénonçant la trivialisation progressive des conflits. De Marthe Chenal chantant la Marseillaise au cinéma, jusqu’à Patachou et ses boys invités pour amuser les touristes, Lebesque illustre la manière dont le tragique est évacué au profit de la distraction.
La charge culmine lorsqu’il évoque des figures telles que Barrès, Déroulède ou Aragon, qu’il accuse implicitement d’avoir participé à cette mythification de la guerre. Pour lui, cette exaltation des « soldats des guerres à venir » est un piège, une manière de préparer les esprits à accepter les futurs conflits sous couvert de gloire nationale. Le message est limpide : glorifier la guerre, même a posteriori, c’est ouvrir la porte à de nouvelles tragédies.
Dans une conclusion empreinte d’amertume, Lebesque imagine le soir de cette « fête de nuit », où « beaucoup qui ne seront pas là pour applaudir ». À travers cette phrase, il rappelle l’ultime absurdité des commémorations militaires : elles célèbrent souvent les morts sans véritablement honorer leur mémoire, en les transformant en symboles plutôt qu’en individus.
Cet article de Morvan Lebesque incarne parfaitement le regard lucide et désabusé que Le Canard enchaîné porte sur les institutions et les rituels de l’époque, dénonçant leur propension à masquer les réalités sous un voile de fictions héroïques.
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