N° 1654 du Canard Enchaîné – 2 Juillet 1952
N° 1654 du Canard Enchaîné – 2 Juillet 1952
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Dans son article intitulé « Le tour de phrase ou : tout le reste est littérature », publié dans Le Canard enchaîné du 2 juillet 1952, Yvan Audouard s’attaque à la mythologie du Tour de France, qu’il traite non pas comme un simple événement sportif, mais comme une aventure narrative, un théâtre de métaphores où la littérature tient autant de place que les exploits des cyclistes.
L’auteur déplore avec humour le forfait de Georges Arnaud, auteur du Salaire de la peur, qui devait initialement suivre le Tour pour Le Canard. Selon Audouard, sa présence aurait permis de rendre le Tour plus captivant, moins mécanique, et de mettre un terme à ce qu’il appelle un « exercice de style ». Car, poursuit-il, le Tour a basculé depuis longtemps dans la rhétorique, envahi par des métaphores éculées, des formules usées comme « l’enfer du Nord » ou « les forçats de la route ». Pourtant, ces expressions continuent de hanter les récits du Tour, à défaut de renouveler l’épopée.
Audouard remonte aux origines littéraires de l’événement, évoquant Henri Desgrange, fondateur du Tour et créateur d’un véritable genre littéraire autour des courses cyclistes, où les pédaleurs étaient érigés en héros mythologiques. Mais, pour Audouard, ce temps est révolu : le Tour n’a plus l’éclat d’un roman épique. Il se moque des tentatives contemporaines d’enjoliver la compétition, que ce soit par des figures de style pompeuses ou par une mise en scène qui tourne à la parodie. Il parle d’un Tour « qui se pastiche lui-même », incapable de se réinventer, recyclant année après année les mêmes clichés.
Avec son ton caustique, Audouard raille également les organisateurs du Tour, incarnés par Jacques Goddet, qu’il imagine en maître de cérémonie dépassé par son propre spectacle. Pour lui, le Tour n’a plus l’étoffe des récits dignes de Malraux ou d’Hemingway, mais reste suspendu à des anecdotes et à des commentaires répétitifs qui ne parviennent plus à faire vibrer les foules.
L’article prend des allures de requiem pour une légende qui s’essouffle, tout en soulignant l’importance de la littérature dans la perception du Tour. Sans elle, l’événement serait réduit à une banale succession de performances sportives, dépourvue de l’aura qui faisait sa grandeur. Audouard conclut en observant que le Tour, bien que loin d’être mort, « passionne moins les foules » qu’autrefois, et s’interroge sur la capacité des spectateurs à continuer d’y projeter leurs rêves.
Dans cet article, Audouard dénonce non seulement l’essoufflement d’un mythe national, mais aussi le rôle de la presse dans l’entretien artificiel de son prestige. Sous couvert d’humour, il pointe une désillusion collective et un manque d’imagination qui ne suffisent plus à masquer les limites d’un spectacle en déclin.
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