Lettre à l’amer Ike de R. Tréno, publié dans Le Canard enchaîné du 16 juillet 1952

Dans cette « lettre » fictive adressée à Dwight D. Eisenhower, R. Tréno signe un texte cinglant et satirique, dans la pure tradition du Canard enchaîné. Prenant pour prétexte les déclarations du général américain concernant les Français, qu’il qualifie de « désagrégés » sur le plan moral et religieux, Tréno s’empare de la plume pour démonter avec une ironie mordante les contradictions et les clichés sous-jacents à ces jugements venus d’outre-Atlantique.

L’auteur raille l’attitude condescendante d’Eisenhower, qui, selon lui, campe davantage en « banlieusard militaire » qu’il ne réside réellement à Marly, symbolisant ainsi l’occupation américaine et l’influence culturelle pesante. Le texte joue sur le contraste entre les critiques formulées par le général et la réalité des relations franco-américaines, teintées de supériorité morale affichée par les États-Unis.

En multipliant les piques – notamment sur le prétendu rôle des communistes ou des « missionnaires » américains dans le débat moral en France –, Tréno adopte un ton caustique pour dénoncer une vision simpliste et paternaliste. La charge humoristique culmine lorsqu’il évoque les leçons de « moralité » et les sermons inutiles dispensés par Eisenhower, tout en appelant les Américains à laisser la morale de côté et à cesser de s’immiscer dans les affaires intérieures françaises.

Sous le vernis satirique, cet article s’inscrit dans une critique plus large des rapports de force géopolitiques et de l’impérialisme culturel exercé par les États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Avec son humour incisif et ses illustrations éloquentes, cette « Lettre à l’amer Ike » s’affirme comme un exemple brillant de la verve impertinente du Canard.